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Ordonnances : Au bout de la concertation

Publié le 20/07/2017

La phase de concertation sur les trois principaux volets thématiques des futures ordonnances s'achève. Mais ce n’est qu’à la fin du mois d’août que l’on saura ce que le gouvernement a retenu. D’ici là, la CFDT continuera de porter ses propositions.

Double parcours que celui des futures ordonnances sur le renforcement du dialogue social. Du côté des débats parlementaires sur le projet de loi d’habilitation, l’Assemblée nationale a adopté le texte par 270 voix contre 50, le 13 juillet, en première lecture. L’équilibre global des neuf articles du projet de loi (dont les trois premiers font l’objet de la concertation en cours) n’a guère été modifié. La commission des affaires sociales du Sénat s’est emparée du texte, qui sera examiné en séance publique du 24 au 27 juillet. L’objectif du gouvernement reste qu’il soit définitivement adopté à l’issue de la commission mixte paritaire, chargée de trouver un compromis entre les deux chambres, programmée le 3 août.

Des points “purement idéologiques”

Du côté de la concertation avec les partenaires sociaux, celle-ci se poursuit jusqu’au 21 juillet. Reçue le 7 juillet pour une seconde séance thématique sur le deuxième volet des ordonnances – consacré aux IRP (instances représentatives du personnel) et aux règles de la négociation sociale –, « la CFDT est restée ferme sur ses principes », indique la secrétaire nationale Marylise Léon : pas de négociation sans organisation syndicale ; place accrue des représentants des salariés dans les instances de gouvernance pour tous les statuts d’entreprise ; maintien de la proximité de la représentation collective et de l’ensemble des missions et prérogatives des IRP actuelles ; avancée vers la codétermination d’entreprise. La CFDT a également rappelé la nécessité de pouvoir décider, par accord majoritaire, du cadre des IRP dans les entreprises. Or le gouvernement a laissé entendre que non seulement une instance unique serait le modèle par défaut, mais qu’il serait en outre impossible d’y déroger, y compris par accord majoritaire. « Considérer qu’un moule unique peut convenir à tous au moment même où on décentralise la négociation d’entreprise pour mieux s’adapter aux réalités de chacun n’est guère cohérent, relève Marylise Léon. C’est purement idéologique. » De la même manière, « se passer des organisations syndicales dans la négociation est une ligne rouge pour la CFDT », a redit Laurent Berger.

Reste à savoir si le gouvernement est réellement prêt à entendre les arguments des partenaires sociaux ou s’il compte rester « droit dans ses bottes », comme cela semble être le cas sur le troisième bloc thématique – relatif à la « sécurisation des relations de travail ». En la matière, « les orientations restent sans surprise sur les promesses du candidat Macron », constate la secrétaire générale adjointe, Véronique Descacq : plafonnement des dommages et intérêts aux prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (avec instauration d’un plancher et d’un plafond) ; modification du cadre de négociation des plans de départs volontaires ; diminution des délais de recours en cas de rupture du contrat ; évolutions sur le licenciement économique, notamment en limitant le périmètre d’appréciation de la justification économique au niveau national. Mais aussi sécurisation de la rédaction de la lettre de licenciement et de sa motivation à travers un document Cerfa, ce qui convient à la CFDT si les droits du salarié sont préservés.

Propositions, contre-propositions et désaccords

Reçue les 11 et 18 juillet, la CFDT a réitéré son opposition au plafonnement des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif, tout en faisant des contre-propositions : améliorer le niveau d’indemnisation des salariés ayant une faible ancienneté, prendre en compte d’autres critères, ouvrir la possibilité de déplafonner le barème en cas de circonstances exceptionnelles et sanctionner les employeurs n’ayant pas rempli leurs obligations de formation, par le biais d’une pénalité spécifique. Elle s’est vivement opposée à la réduction des délais de recours en cas de rupture du contrat, déjà fortement réduites en 2013. Elle a par ailleurs souligné que la restriction au périmètre national de la cause du licenciement économique devait être soumise à la preuve que l’employeur n’a pas organisé artificiellement les difficultés de sa filiale française (BDES négociée, accord de GPEC, respect des obligations d’information-consultation, etc.). À défaut, le périmètre d’appréciation du motif resterait au niveau actuel ou, a minima, l’espace économique européen.

Quel équilibre global ?

Convaincue, comme l’a dit Laurent Berger le 18 juillet sur LCP, que « ce qui est demandé aux organisations syndicales est de venir avec des propositions et des contre-propositions », la CFDT semble avoir obtenu gain de cause sur sa revendication d’augmenter les indemnités légales de licenciement. « Celles-ci sont parmi les plus basses d’Europe, à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, souligne Véronique Descacq. Nous avons proposé de l’augmenter à un demi-mois de salaire par année d’ancienneté, ou au moins de la doubler, tout en supprimant la condition d’ancienneté d’un an, afin que l’ensemble des salariés, dont les plus précaires, en bénéficient. » Dès le 13 juillet, la ministre du Travail annonçait que les indemnités légales de licenciement seraient effectivement augmentées pour tous les salariés – sans entrer dans le détail.

Une avancée, après celles sur le rôle de la branche, qui incite plus que jamais la CFDT à « jouer la concertation à fond » : « Nous n’avons pas l’habitude de siffler la fin du match avant qu’il soit joué, a insisté Laurent Berger. Certes, le gouvernement a envoyé beaucoup de mauvais signaux, sur les fonctionnaires, sur les universités… Il faut des mesures de justice sociale. Nous discuterons jusqu’au bout pour être entendus du gouvernement. Et nous ne donnerons pas un avis sur un texte que nous n’avons pas. C’est à la fin août que nous jugerons de l’équilibre global. Si nous sommes en désaccord, nous nous opposerons fermement à ce texte. Si nous le trouvons équilibré, nous le dirons aussi. Nous n’avons jamais manqué de courage pour assumer nos positions. » Rendez-vous à la fin du mois d’août.

aseigne@cfdt.fr