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Le monde du travail, premier lieu de discriminations

Publié le 27/03/2017

Le dixième baromètre de la perception des discriminations, réalisé par le Défenseur des droits et l’OIT, confirme un niveau très élevé des discriminations, sans nettes améliorations depuis 10 ans.

Pas de révélation. Mais une confirmation bien sombre de l’état des discriminations en France. C’est ce qu’il ressort de la présentation du 10e baromètre de la perception des discriminations, réalisé par le Défenseur des droits et le bureau de l’OIT, rendu public le 23 mars. L’étude s’est centrée sur 6 principaux critères de discriminations : l’âge, le sexe, la grossesse et la maternité, l’origine et la couleur de peau, les convictions religieuses et enfin le handicap et l’état de santé. Et elle repose à la fois sur des représentations que les personnes interviewées ont des discriminations, mais aussi de leur expérience propre des discriminations (*). De ce baromètre 2017, on retiendra principalement que le monde du travail reste le premier lieu concerné par les discriminations, loin devant l’école, l’université, la recherche d’un logement, ou les contrôles de police. « Un résultat qui se retrouve dans notre activité, puisque l’emploi est le premier domaine de saisine du défenseur des droits », a rappelé Jacques Toubon, le Défenseur des droits, lors de la présentation du baromètre. Elles représentent en effet 50,8% du volume total de réclamations adressées au Défenseur des droits (soit 5 203 réclamations qui portaient sur des discriminations à l’embauche ou dans la carrière en 2016, en hausse de 7,4% par rapport à 2015).
Un actif sur trois (34%) affirme avoir été discriminé dans l’emploi, dont 18,5% dans le cadre d’une recherche d’emploi et 29% au cours de sa carrière. « Nous sommes sur des taux élevés, constants depuis 10 ans », a souligné Cyril Cosme, le directeur du bureau de l’OIT pour la France, dont le partenariat avec le défenseur des droits sur ce baromètre remonte à 2008.

Sujet de dialogue social

Mais là où l’étude apporte un éclairage intéressant, c’est sur l’impact différencié des discriminations sur certains groupes sociaux. Ainsi, les facteurs de discriminations (comme l’âge ou la couleur de peau), ne jouent pas en défaveur des personnes de la même manière pour les hommes ou les femmes par exemple. Les femmes sont plus souvent discriminées en raison de l’âge que les hommes, et encore plus nettement dans la période où elles sont censées avoir des enfants. Hommes et femmes sont également très inégaux devant le handicap, qui discrimine largement plus les femmes. L’origine ou la couleur de peau est en revanche plus discriminante chez les jeunes que chez d’autres populations. « Cette analyse multicritères, qui croise critères juridiques et critères sociaux, pourrait permettre de proposer des politiques publiques ciblées », explique Clémence Levesque, chargée de mission Emploi auprès du Défenseur des droits. Mais pour Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT en charge des questions de discriminations, et qui intervenait comme « grand témoin », « il est très regrettable que les différents états des lieux que nous avons ne suffisent pas à nous permettre d’engager une action d’ampleur ». Quelques jours à peine après la remise des résultats du testing réalisé par le ministère du Travail, par Myriam El Khomri, et qui avait épinglé deux grandes entreprises (AccordHotels et les restaurants Courtepaille), le secrétaire national a par ailleurs ajouté « que la lutte contre les discriminations ne devait pas se limiter à une lutte contre les abus. Il est temps d’en faire une question collective, paritaire… Un vrai sujet de dialogue social ». Pour qu’enfin on passe du constat à l’action.

epriat@cfdt.fr

(*) Ce baromètre 2017 a été réalisé sur la base de la grande enquête menée par le Défenseur des droits au printemps dernier, auprès de plus de 5000 personnes