[VTC et livreurs à vélo] Union fait leur force

Publié le 04/03/2022

Les premières élections de représentants des chauffeurs VTC et livreurs de repas à vélo auront lieu du 9 au 16 mai. Premier regard sur les conditions de travail de ces métiers difficiles et peu reconnus ainsi que sur les actions menées par Union-Indépendants pour porter leurs revendications.

Reportage photo: Simone Perolari

 

Chauffeurs VTC et livreurs de repas pour des plateformes comme Uber ou Deliveroo vont pouvoir élire des représentants du 9 au 16 mai, lors de deux scrutins à tour unique, sur sigle et par vote électronique. Organisées par l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (Arpe), à la suite de l’ordonnance de septembre 2021 de l’Assemblée nationale, ces élections permettent de poser une première pierre dans la construction des droits sociaux et la reconnaissance des métiers pour environ 100 000 travailleurs – 50 000 chauffeurs VTC et 50 000 livreurs – concentrés à 70 % en Île-de-France et notamment à Paris.

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File de VTC devant la Gare du Nord

 

Saisir l’opportunité à bras-le-corps

Créée en 2016 à l’initiative de la CFDT F3C, en association avec les fédérations des Services et des Transports, la Confédération et l’Union régionale Île-de-France, Union-Indépendants concourt à ces élections avec des revendications claires. « Union est une association indépendante dont la CFDT est membre fondateur. Elle a été lancée dans l’idée de ne pas regarder à côté pendant que le secteur des indépendants se développait. Ce sont des travailleurs comme les autres et notre responsabilité est de nous intéresser à tous les travailleurs », explique Stéphane Chevet, président d’Union. Union porte aujourd’hui les revendications de tous les travailleurs indépendants, y compris, depuis peu, ceux régis par un ordre (avocats, médecins…), soit quatre millions de personnes en France. Elle leur propose un accompagnement et des services.

dossier encadré chiffres 

Deux vitesses

Si le cadre d’Union dépasse les seuls livreurs et chauffeurs VTC, l’association a déjà obtenu des avancées notables pour ces métiers : « Nous avons par exemple contribué à la professionnalisation des chauffeurs VTC et à leur reconnaissance grâce à la mise en place d’une formation professionnalisante, mais surtout à la carte professionnelle et au macaron autorisant les VTC à exercer », explique Fabian Tosolini, délégué national auprès d’Union et chargé de mission à l’Union régionale Île-de-France.  Ce n’est cependant pas assez. Les livreurs de repas sont aujourd’hui au même stade que les chauffeurs VTC il y a cinq ans. « Il existe principalement deux plateformes de livraison de repas. La concurrence est très rude entre elles. Celle-ci se fait exclusivement sur les prix et ne permet pas aux livreurs de gagner correctement leur vie. Or, avec Union, nous pouvons les aider ! », ajoute-t-il.

 

 DSC0354 Livreurs à vélo place de la Bastille. Février 2022

 

Trouver des solutions maintenant

Ainsi, le positionnement d’Union est le suivant : il faut agir immédiatement, trouver des solutions pour améliorer les conditions de travail des livreurs, en attendant l’application de la directive européenne, encore au stade de projet, qui établirait une présomption de salariat pour l’ensemble des travailleurs des plateformes, à moins qu’ils ne choisissent de prouver le contraire. « Pour les livreurs, nous demandons, pour commencer, un statut similaire à celui que nous avons obtenu pour les chauffeurs VTC », note Fabian Tosolini. Le « macaron livreur », obtenu après avoir passé un examen, professionnaliserait le métier et exclurait ceux qui profitent de la situation précaire des livreurs en leur sous-louant des comptes. Il faudra alors trouver des solutions pour ces livreurs sans papiers, de manière qu’ils puissent exercer légalement leur métier. « La carte professionnelle contribuerait aussi à éviter les accidents, dont certains sont mortels », insiste Fabian Tosolini.

 

Reconnaissance par les plateformes

L’enjeu majeur de ces élections est, d’abord, de construire une véritable représentation face aux plateformes. « En parlant d’une seule voix, les chauffeurs VTC et les livreurs pourront enfin être considérés comme des interlocuteurs à part entière par les plateformes. Ils seront en mesure de négocier une meilleure rentabilité de leurs courses. Le dialogue social est nécessaire », estime Patrick Labboz, secrétaire régional de la CFDT Île-de-France, en charge de la syndicalisation des nouveaux métiers et des indépendants, qui constate néanmoins un changement d’état d’esprit depuis quelque temps. « Les plateformes répondent à nos appels, elles sont présentes aux réunions que nous organisons. Nous devenons des interlocuteurs pertinents pour elles ! » Pour ce qui est de la question du statut, Union propose un accompagnement personnalisé, qui tient compte de la diversité des situations des uns et des autres. « La majorité d’entre eux ne souhaitent pas devenir salariés. Ils veulent garder un statut indépendant. Pour ceux qui souhaitent être intégrés comme salariés par les plateformes, nous pourrons aussi les accompagner », précise Patrick Labboz.

 

 DSC0259 La question de l'accès aux vélos se pose pour les livreurs. Paris, février 2022

 

Aménager l’espace public

La reconnaissance des métiers de chauffeur VTC et livreur passe aussi par la défense de leurs intérêts auprès des collectivités locales pour améliorer l’utilisation de l’espace public. Ainsi, par exemple, les chauffeurs VTC, en dépit de leur macaron, n’ont pas les mêmes droits de circulation en ville que les taxis (voir le témoignage d’Ali). Les livreurs à vélo sont aussi oubliés par les politiques de la Ville. Le problème est, de fait, peut-être encore plus épineux pour eux : pas d’espace suffisant pour entreposer les vélos, notamment. La question de l’accès aux vélos mis à disposition par la Ville ou la Région, comme les Véligo en Île-de-France, se pose aussi. Les livreurs qui les utilisent sont nombreux mais n’y seront bientôt plus autorisés.  « IDF Mobilités, à terme, pourrait peut-être mettre à disposition des livreurs officiels une flotte professionnelle. Nous avons aussi commencé à en discuter avec les élus de certaines mairies d’arrondissement à Paris. Ils sont plutôt réceptifs et d’accord dans l’ensemble avec notre approche », note Fabian Tosolini.

 

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Pris de la course: 3,20 euros en moyenne par livraison en France et 2,40 euros à Paris

 

Être respectés

Chauffeurs VTC et livreurs ont également besoin d’être reconnus, voire protégés, face à leurs clients. « Nous revendiquons en particulier l’interdiction des déconnexions abusives, souligne Fabian Tosolini. En effet, dès qu’un client de chauffeur VTC se plaint d’un chauffeur, la plateforme le déconnecte, sans vérifier si la plainte est justifiée, ce qui, très souvent, n’est pas le cas. » Une fois déconnecté, c’est-à-dire, dans l’impossibilité de recevoir des commandes, il ne peut plus travailler. Les livreurs, quant à eux, se retrouvent dans une situation encore plus compliquée car ils ont, dans les faits, deux clients : le client final qui attend son repas et le restaurant. « Les restaurants les font attendre dans le froid, sous la pluie. Ils acceptent toutes les commandes mais ne sont parfois pas en mesure de les honorer dans les temps, car ils n’ont pas embauché plus de personnes en cuisine ou n’ont simplement pas la place. Mais si les livreurs arrivent avec un repas froid, c’est le client final qui s’en plaindra, et là encore, ils risquent d’être déconnectés. »

 

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Souvent, les livreurs doivent recourir à la location de vélos électriques d'IDF Mobilités (Véligo)

 

Une pratique militante originale

Face à ce collectif éparpillé dans un environnement de travail très digitalisé, Union mène campagne de manière originale. « La proximité est indispensable mais elle est difficile à mettre en place parce que ce sont des travailleurs sans horaires à proprement parler, sans lieu physique de réunion… Nous avons créé des collectifs par ville, par quartier et par métier, identifié nos interlocuteurs qui ont relayé notre message, organisé des petits groupes WhatsApp. En ce moment par exemple, il y a 10 groupes WhatsApp très actifs en Île-de-France », explique Fabian Tosolini. Union organise également des réunions avec les mairies les plus concernées par la problématique des chauffeurs VTC et des livreurs, à l’instar de celle du Xe arrondissement où se trouvent les gares du Nord et de l’Est. Enfin, Union travaille main dans la main avec les fédérations CFDT pour des questions spécifiques : la fédération des Transports pour les parkings professionnels des aéroports, celle des Services pour les restaurants… Un travail de fourmi dans lequel Union a une longueur d’avance. « Nous sommes sur le terrain depuis longtemps, cela nous a permis de connaître au plus près les besoins de ces travailleurs et de les traduire dans un programme de revendications pour leurs revenus et leurs conditions de travail », conclut Patrick Labboz. La raison d’être du syndicalisme !

 

Interviews: Solidaires est allé à la rencontre de Yaya, livreur à vélo, et Ali, chauffeur VTC. Ils nous parlent de leurs métiers et leur engagement. 

 

dossier encadré Yaya 

dossier encadré Ali