[Interview] Nathalie Durand, déléguée régionale de la Commission nationale du débat public

Publié le 14/03/2022

Quelles sont les missions de la Commission nationale du débat public (CNDP) ? Comment peut-elle être saisie ? En quoi cet outil peut-il constituer un bon vecteur pour une prise de parole publique sur des opérations territoriales de grande envergure ? Nathalie Durand, la nouvelle déléguée régionale Île-de-France, nous en dévoile les mécanismes. Une première rencontre qui en appellera d’autres.

Dans quel contexte intervient la CNDP ? Avez-vous quelques exemples ?

Créée en 1995, la CNDP est une autorité administrative indépendante depuis 2002. Elle est garante du droit à l’information et à la participation du public sur l’élaboration des projets ou politiques publiques qui ont un impact sur l’environnement. Elle organise un débat à un stade où toutes les options et solutions sont possibles : de manière obligatoire pour des projets d’une certaine taille, ou lorsque le droit d’initiative est ouvert au public et même au-delà. À l’issue de ce débat où toutes les parties sont entendues, la CNDP dresse un bilan et donne des recommandations au porteur de projet. L’ensemble du processus a une durée d’environ huit mois (préparation, déroulement, bilan).

Le porteur du projet ou de la politique publique ayant un impact sur l’environnement est tenu de produire un bilan indiquant comment il tient compte de la participation.

La concertation porte notamment sur les projets industriels, d’aménagement routier, la reconversion de sites, les équipements culturels et sportifs… Parmi les projets où le débat public a permis récemment de faire bouger les lignes, je pourrais citer le travail de concertation mis en place sur le prolongement de la ligne de tramway T8 Porte de Saint-Denis, où la demande très forte pour la création d’un arrêt supplémentaire à Rosa-Parks a été entendue par Île-de-France Mobilités. Parmi les débats en cours actuellement, la Fondation des apprentis d’Auteuil, la reconversion du site de Total Grandpuits, etc.

 

Quels sont les principes de la CNDP ? Peut-elle imposer ses décisions ?

La CNDP est très encadrée par le Code de l’environnement. Elle agit selon des principes d’indépendance, de neutralité, de transparence, d’argumentation qualitative, d’égalité de traitement et d’inclusion de tous les publics. Ainsi, pour toucher tous les publics, la CNDP va à leur rencontre (sur les marchés…). Lorsque la CNDP est saisie, elle décide de la modalité de participation, du calendrier, de la durée et valide les documents remis au public.

Pour certains projets, elle peut être amenée à demander une expertise complémentaire. Le garant dresse un bilan de la concertation qui retrace la cartographie des arguments du public. Mais le garant ne donne pas d’avis sur le projet. Il reste neutre.

Le porteur de projet a tout intérêt à tenir compte des recommandations du garant synthétisant les observations du public. Il a deux mois pour indiquer de manière argumentée les enseignements qu’il en tire, sans obligation d’intégrer à son projet l’ensemble des observations faites.

La CNDP a également une mission de conseil ou d’avis à caractère général ou méthodologique sur toute question relative à la participation du public.

 

Pourquoi vous paraît-il important que la CFDT participe au débat public et comment ?

La concertation porte forcément sur des enjeux de transition écologique, socio-économiques et d’aménagement du territoire. En tant qu’acteur de la démocratie, au cœur des territoires, la CFDT peut faire entendre son point de vue et enrichir la participation par ses contributions. Elle peut être un bon relais vers ses adhérents pour s’assurer que leurs droits à participer est respecté par les porteurs de projet en cas de procédure obligatoire de participation ou, sinon, les informer des droits d’initiative permettant à des tiers d’obtenir une telle participation lorsqu’elle n’est pas obligatoire.

La participation peut se faire par exemple par le biais des focus groups qui sont organisés avec les syndicats et dont les comptes rendus sont publics, ou en apportant des éléments dans des « cahiers d’acteurs », comme la CFDT l’a fait lors du débat public sur le Grand Paris Express. Une manière de s’emparer des nouveaux outils de participation citoyenne.