[Interview] P.Drouet : "Nous sommes loin d’être égaux face au droit aux vacances"

Publié le 17/07/2017

Créée en 1920, l’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT) oeuvre pour l’accès du plus grand nombre aux vacances et aux loisirs. En Île-de-France, l’association fédère 60 organismes de tourisme social et solidaire et propose des activités et séjours à 1,5 million de personnes par an. Entretien avec son président, Patrick Drouet.

Quelles sont les missions de l’UNAT ?
L’UNAT met en place des outils d’information et de veille, des actions de coordination et d’accompagnement dont le but est de permettre l’accès aux vacances et aux loisirs. Tête de réseau, l’association propose des vacances et loisirs aux familles, enfants, jeunes, séniors et personnes en situation de handicap. En Île-de-France, nous disposons de 14 établissements d’accueil, avec une offre d’hébergement de près de 4 000 lits, essentiellement pour les jeunes touristes, au travers notamment du premier réseau d’auberges de jeunesse de France. Nous travaillons aussi avec des organisateurs de loisirs sportifs et culturels. En 2015, nous avons aidé plus de 884 000 Franciliens à partir en vacances hors de la région grâce à notre réseau de partenaires.

En 2015, nous avons aidé plus de 884 000 Franciliens à partir en vacances hors de la région
Comment le tourisme social et solidaire a-t-il évolué au fil du temps ?
Au sortir de la guerre, l’objectif était d’abord de faciliter le départ en vacances des enfants. La question du tourisme était très liée à celle de l’aménagement du territoire et on a donc créé des infrastructures (colonies, villages vacances et autres auberges de jeunesse). La Grande Motte en est le parfait exemple. Les aides ont peu à peu évolué et on a souhaité cibler davantage les familles puis les groupes et les seniors. Aujourd’hui, le tourisme s’est mondialisé. Le fait de pouvoir voyager plus facilement et plus souvent a eu un impact sur la nature même des voyages. En Île-de-France, la durée moyenne des séjours a eu tendance à baisser, avec notamment le fractionnement des vacances rendu possible par les RTT, le développement de familles recomposées etc.

Certains publics ne partent pas en vacances pour des raisons financières, mais aussi parfois pour des raisons culturelles.
Plus de 40 % des Français ne partent pas en vacances. Quel regard portez-vous sur ce constat ?
Nous sommes loin d’être égaux face au droit aux vacances. L’une des dernières enquêtes de l’Observatoire des vacances et des loisirs, des enfants et des jeunes (OVLEJ) révèle que si le taux de départ en vacances des enfants et des jeunes a régulièrement progressé depuis l’après-guerre, à compter de 2008 il a commencé à stagner voire à baisser pour les familles modestes et les classes moyennes. Certains publics ne partent pas en vacances pour des raisons financières, mais aussi parfois pour des raisons culturelles. Aussi, lorsque les bons CAF ou l’offre CE ne sont accessibles que sur Internet et que les personnes les plus en difficulté ne sont pas accompagnées, la ségrégation s’installe…

Qu'en est-il de votre rôle auprès des décideurs politiques ?
Les lois de décentralisation, jusqu’à la récente loi NOTRe, ont renforcé les compétences des régions en matière de tourisme. De 2007 à 2015, nous avons coordonné pour le compte de la Région Île-de-France un dispositif d’aide au départ en vacances pour les familles en situation de précarité. Ce projet s’appuyait notamment sur une évaluation de l’impact de l’aide au départ en vacances, qui montrait bien les effets générés sur la scolarité des enfants ou encore le retour à l’emploi du/des parent(s). On a constaté que les vacances et loisirs ont un impact très positif en renforçant la confiance en soi, les liens de parentalité, l’autonomie ou encore l’ouverture aux autres.

Tout l’enjeu est donc de former les élus pour porter des activités sociales et culturelles qui soient en adéquation avec les valeurs auxquelles nous tenons
Quel rôle peuvent jouer les organisations syndicales ?
Les premiers prescripteurs de tourisme social et solidaire sont les CE, puis les collectivités locales et les organismes aidants comme les Caisses d’allocations familiales. Nous travaillons donc avec les comités d’entreprise sur ces questions de droit aux vacances pour tous. Mais parfois, l’objectif des CE est surtout d’obtenir les meilleures prestations au coût le plus bas. La question du projet devient alors périphérique… Tout l’enjeu est donc de former les élus pour porter des activités sociales et culturelles qui soient en adéquation avec les valeurs auxquelles nous tenons comme l’émancipation, l’autonomie, la citoyenneté ou encore l’ouverture aux autres.