[Dossier] Conseil en évolution professionnelle : les partenaires sociaux raflent la mise

Publié le 17/12/2019

L’annonce est tombée le 18 octobre. En Île-de-France comme en Nouvelle Aquitaine, les partenaires sociaux réunis en groupements ont remporté l’appel d’offres concernant la délivrance du Conseil en évolution professionnelle (CEP) pour les salariés. Pour une durée de quatre ans, le groupement prendra le relais du Fongecif en assurant ce service d’accompagnement des salariés. Une victoire importante pour la CFDT Île-de-France comme pour ses partenaires. Mais aussi un défi de taille en perspective...

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C’est une bataille de plusieurs mois qui vient d’être gagnée par la CFDT Île-de-France et ses partenaires CFTC, CGT, U2P et CPME (réunis au sein de l’association « CEP paritaire Île-de-France »), les cabinets de conseil Catalys et Tingari ainsi que l’organisme ID formation. Pour en mesurer la portée, un bref retour en arrière s’impose.

En 2018, dans le cadre de la loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel, le gouvernement décide sous la pression de la CFDT de conserver le CEP, mais d’en revoir le pilotage. Les opérateurs spécialisés sont maintenus (Pôle emploi pour les chômeurs, l’Apec pour les cadres, Cap emploi pour les personnes en situation de handicap, les Missions locales pour les jeunes en difficulté), mais l’organisme paritaire qui s’occupe des actifs en emploi – le Fongecif – est exclu du dispositif au profit d’un opérateur privé régional sélectionné sur appel d’offres. Au grand dam des partenaires sociaux.


Pierre angulaire de l’accompagnement des salariésCEP en Bref CFDT
CFDT en tête, les organisations syndicales ne s’avouent pourtant pas vaincues. Et, après plusieurs semaines de réflexion, notamment autour des questions juridiques, elles décident de se mettre en ordre de marche pour répondre à l’appel d’offres lancé par France Compétences. « Le CEP, c’est un peu notre bébé, rappelle Géraldine Cornette, secrétaire régionale en charge des questions de formation professionnelle et d’orientation. Ce sont les partenaires sociaux qui ont créé ce droit via l’accord national interprofessionnel de 2013 et il était hors de question de ne pas se positionner sur sa mise en œuvre. Pour nous, c’est la pierre angulaire de l’accompagnement des salariés », soutient-elle. 

Avec la reprise en main du CEP dans la région, les partenaires sociaux ont aussi en tête de construire une perspective d’avenir pour les salariés du Fongecif. « Il y a un enjeu de responsabilité sociale vis-à-vis d’eux, reconnaît Géraldine. Une réflexion est en cours au sein du groupement sur l’éventuelle reprise de certains salariés du Fongecif ayant la compétence requise pour le CEP ».


Une mise en place par étapes
Dès l’annonce de l’attribution du marché, le groupement est entré dans une phase de pré-déploiement du CEP pour qu’il soit opérationnel dès le 2 janvier 2020. Concrètement, il devra s’articuler autour de deux niveaux : un accueil individualisé, permettant au bénéficiaire de faire le point sur sa situation et d’être aiguillé, et un accompagnement personnalisé, lui offrant une aide dans la mise en œuvre de son projet (formalisation de la demande, recherche de financement...). L’association des partenaires sociaux déploiera le CEP par étapes en Île- de-France (contrairement aux autres membres du groupement, qui le déclineront intégralement dès le 2 janvier). Ainsi, le premier semestre 2020 sera consacré en priorité à sa promotion auprès des entreprises et des salariés. Avec un plan de communication qui est déjà quasi ficelé. « La proximité avec les salariés est l’un des enjeux de la réussite du développement du CEP dans les années à venir, défend Géraldine Cornette. C’est pourquoi nous souhaitons nous appuyer sur notre réseau de lieux de proximité, comme les Bourses du travail, pour pouvoir en assurer le service ».

En parallèle des actions de communication, l’association préparera la mise en place intégrale du CEP pour le dernier trimestre 2020. « Le choix des locaux, le recrutement des salariés, la constitution de commissions... Beaucoup de points restent à finaliser », assure ainsi Vincent Pigache, président de l’association CEP paritaire Île-de-France (voir interview). Pour l’heure, les membres du groupement ont signé une convention définissant clairement leurs rôles et missions, construit un « business plan » pour les quatre ans à venir et désigné Tingari comme le mandataire du groupement, c’est-à-dire l’interlocuteur de France Compétences.

Un budget de 9 millions d’euros
Un cahier des charges fixe par ailleurs pour 2020 des objectifs précis et chiffrés au groupement. Il aura ainsi pour mission d’aiguiller plus de 75 000 salariés sur le premier niveau. Il devra en outre réaliser plus de 30 000 conseils personnalisés et assurer un accompagnement en présentiel auprès d’environ 16 000 salariés (dont près de 3 000 pour l’association CEP paritaire Île-de- France). Un comité de pilotage se réunira chaque trimestre pour assurer le suivi et faire le point sur les objectifs.

Pour cette année de mise en place, le groupement bénéficiera d’un budget de 9 millions d’euros à répartir entre les différents membres. Avec la montée en charge du CEP, ce budget atteindra la somme de 14 millions d’euros d’ici 2024. Des sommes conséquentes qui montrent bien l’ampleur de la tâche qui attend les membres du groupement. Si ceux-ci ont tous une expertise en matière de conseil et d’accompagnement, ils pourront aussi nouer des partenariats avec divers organismes régionaux comme Défi métiers (voir interview), les Greta, le Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Crefop) ou encore le Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser). « Pour les partenaires sociaux, cette aventure sera l’occasion de faire la démonstration de l’utilité du paritarisme, à un moment où celui-ci est questionné et régulièrement mis en cause », promet Géraldine Cornette.

DE NOUVELLES INSTANCES EN MATIÈRE DE FORMATION PROFESSIONNELLE

  • Créé le 1er janvier 2019, France Compétences a pour mission d’assurer le financement, la régulation, le contrôle et l’évaluation du système de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Instance quadripartite pilotée par l’État, les Régions, les partenaires sociaux et des personnalités qualifiées, France Compétences reprend les activités du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP), de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) et du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).
  • Opérationnelles à partir de janvier 2020, les commissions paritaires régionales « Transition pro » ont en charge la gestion des projets de transition professionnelle via le CPF de transition, dispositif qui remplace le Congé individuel de formation (CIF). Remplaçant les Fongecif, l’instance devra apprécier la pertinence et la faisabilité des projets de transition professionnelle, instruire la demande de prise en charge financière et décider ou non de financer les projets (en totalité ou de manière partielle). Transition pro sera également responsable du contrôle de la qualité des formations, de l'analyse des besoins en emploi, en compétences et en qualifications sur le territoire ou encore du déploiement des certifications paritaires interprofessionnelles comme le socle de compétences de base « Cléa ». 

 

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