B.Barbier (Défi Métiers) : "Le numérique impacte toute l'économie"

Publié le 05/12/2019

Évolution des métiers, freins à la formation professionnelle et à l’emploi, importance du CEP... Bernard Barbier, directeur de Défi métiers, analyse les changements qui touchent l’emploi et la formation en Île-de-France.

Quel est le rôle de Défi métiers ? 
Défi métiers est un groupement d’intérêt public quadripartite qui réunit l’État, la Région ainsi que les partenaires sociaux et les acteurs de l’emploi et de la formation. Nos missions sont de recueillir des données sur ces sujets et de produire des outils et analyses afin d’éclairer les acteurs économiques, sociaux ou institutionnels dans leurs réflexions, leurs décisions et leurs actions.

En termes d’emplois, qu’est-ce qui distingue l’Île-de-France ?
Plus qu’ailleurs, il y a une prédominance des services. 87 % des emplois y sont concentrés, contre 7 % pour l’industrie et 0,2 % pour l’agriculture. Le commerce représente le plus gros secteur d’activité (15 % des emplois). Les métiers du spectacle sont aussi de gros pourvoyeurs d’offres d’emploi, même s’il y a un turnover important. Si l’on retrouve tous les secteurs d’activité dans la région – là encore une spécificité –, on observe une concentration de sièges sociaux et de fonctions support à haute valeur ajoutée, comme la R&D. En trente ans, le nombre de cadres a été multiplié par quatre, quand le nombre d’ouvriers a été divisé par deux.


Comment l’emploi et les besoins en compétences évoluent-ils ? Quels métiers pourraient disparaître ou voir le jour ? 
L’emploi dans le secteur des services à la personne a tendance à croître, notamment du fait du vieillissement de la population. On assiste à la formation d’un écosystème – la Silver Économie – autour des métiers du grand âge et de la dépendance. Le secteur du numérique se développe également fortement.

Plus généralement, le numérique impacte toute l’économie. Prenez les professionnels du transport, dont l’emploi se développe sous l’effet du e-commerce : ils utilisent tous des GPS qui permettent d’optimiser les trajets et de suivre en temps réel une livraison. Aujourd’hui, la culture et la pratique du numérique deviennent une compétence clé. Avec Amazon par exemple qui se lance dans la livraison de produits frais en une heure, même le producteur de légumes va devoir s’adapter. La relation client devient aussi une compétence primordiale. 

Quant à la question de la disparition de certains métiers, cela dépendra pour beaucoup de son acceptation sociale. A-t-on envie d’être servi au bar du coin par un robot ? Conçoit-on de confier à l’intelligence artificielle l’analyse de nos scanners plutôt qu’à un radiologue ? Sans tomber dans le catastrophisme de certains, il est sûr que des transformations s’opèrent et vont s’opérer encore et elles ne concernent pas seulement les métiers à bas niveau de qualification.


Quels freins identifiez-vous dans l’accès à la formation et à l’emploi ?
En matière d’emploi et de formation, il est indispensable de partir des situations des personnes alors qu’on raisonne aujourd’hui trop par public : les personnes en situation de handicap, les jeunes sans qualification, les seniors, les cadres. Une même personne peut très bien être en situation de handicap, parent isolé, dans un quartier difficile... Dans ce cas, les difficultés d’accès à l’emploi ou à la formation sont souvent liées à un cumul de situations. De leur côté, les entreprises ont besoin d’être aidées, entre autres sur l’analyse prospective de leur secteur. Mais il faut aussi qu’elles fassent parfois évoluer leurs pratiques de recrutement et de management. On entend certains dirigeants d’entreprise dire : « Les jeunes ne veulent plus bosser ». Mais c’est normal qu’ils n’aient plus envie quand, depuis de nombreuses années, l’entreprise dit rechercher surtout des « talents », immédiatement opérationnels, assez mal payés et avec des conditions de travail qui n’évoluent pas.

Justement... Le CEP peut-il faciliter une vision globale des situations des personnes ?
Tout à fait. On a défendu depuis le départ le CEP et le renforcement de l’accompagnement des personnes par la relation humaine car la majorité des personnes ne sont pas autonomes dans la recherche d’une formation ou d’un emploi. Si l’accompagnement peut se faire parfois via des outils numériques, cela ne suffit pas. Le CEP est donc un outil fondamental. Même si l’on peut regretter qu’il ait été segmenté par type de public, les opérateurs de CEP doivent néanmoins accueillir tout le monde sur le premier niveau.