Information et orientation tout au long de la vie : vers une stratégie régionale

Publié le 10/03/2020

Un rapport du Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) d’Île-de-France adopté en décembre dernier développe une série de préconisations pour mettre en oeuvre une stratégie régionale d’information et d’orientation tout au long de la vie. Une stratégie articulée autour de deux principaux enjeux : l’accueil de proximité et la structuration du réseau d’acteurs.

Depuis la loi de 2018 relative à la Liberté de choisir son avenir professionnel, les Régions ont hérité de nouvelles compétences en matière d’information et d’orientation tout au long de la vie. La loi les engage en effet à coordonner l’intervention des multiples acteurs dans la mise en oeuvre du Service public régional de l’orientation (SPRO), créé en 2014. Après avoir adopté sa stratégie en mai dernier, le Conseil régional d’Île-de-France a sollicité l’avis du Ceser.

Le sujet est complexe et les préconisations de l’assemblée consultative de la société civile étaient attendues. La contribution du Ceser, adoptée à l’unanimité le 12 décembre dernier, met en avant deux défis principaux à relever : le besoin de co-construire une information au bénéfice des scolaires et la nécessité de développer une stratégie au plus près des Franciliens et des bassins d’emploi. Les travaux ont été développés au sein de la commission Emploi du Ceser (voir l’interview des
rapporteurs ci-dessous) avec l’appui de la commission Éducation/Formation.

Accueil des publics et maillage territorial
L’une des préconisations de l’avis se présente sous la forme d’une mise en garde. Devant la montée en puissance des services Orientation IDF chiffres clésnumériques ou dématérialisés – on pense à la plateforme régionale Oriane.info, s’adressant à l’ensemble des publics (collégiens, lycéens, étudiants, apprentis, en activité ou en recherche d’emploi) – le Ceser recommande vivement de donner la priorité et de consolider « un réseau d’accueil physique de tous les publics, plus spécifiquement dédié aux salariés et aux personnes sans emploi. » Ces lieux de proximité, « qui peuvent se fonder sur des structures déjà existantes, devraient être désignés par la Région, organisés en réseau, promus et labellisés, sur la base d’un socle commun et partagé d’informations, de services et de bonnes pratiques », précise l’avis.

Coopérer et mutualiser
Face au nombre important d’opérateurs franciliens au sein du SPRO, il est décisif « de renforcer leur coopération et de mutualiser leurs pratiques, afin d’articuler leurs actions de manière cohérente et fructueuse », poursuit le rapport. Une revendication portée par la CFDT Île-de-France au sein du Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (Crefop). Au sujet des acteurs, le Ceser préconise aussi que le réseau soit élargi « aux professionnels de l’inclusion (handicap, insertion, justice) ou aux réseaux de l’accompagnement associatif (Force Femmes, Solidarités nouvelles face au chômage…) ». Pour assurer ces missions, le rapport invite la Région à sanctuariser l’utilisation des crédits transférés par l’État en provenance de l’ONISEP.

Une mise en oeuvre par bassin d’emploi
La Région est d’ores et déjà engagée sur la voie de la structuration du réseau d’acteurs et du maillage territorial puisque la mise en oeuvre du SPRO par bassin d’emploi est en cours. 8 bassins emploi/formation ont pu se constituer en 2019 avec pour chacun une tête de réseau référente et un comité de pilotage. Pôle Emploi est par exemple devenu le référent pour le bassin « Sud 77 », tandis que le Service commun universitaire d’information et d’orientation (SCUIO) de l’université de Créteil est référent pour le bassin « Grand Paris Sud-Est Avenir ». Huit nouveaux bassins auront leur référent dès octobre 2020.

carte ile-de-france bassin d'emploi
Carte unique des bassins d’emploi en Île-de-France (Conseil régional - sept. 2016)

 

Comme le précise François Brezot, directeur du groupement d’intérêt public Emploi Grand Roissy-Le Bourget, « les enjeux à l’échelle du territoire sont de développer des outils partagés, d’améliorer la connaissance entre les 27 acteurs locaux de l’orientation du bassin et de tisser des liens avec les acteurs économiques. »

Enfin, selon Anne Père-Brillault, conseillère régionale et présidente de la commission orientation du Crefop auditionnée dans le cadre de la contribution, les Centres d’information et d’orientation (CIO), qui sont des établissements qui dépendent de l’Éducation nationale, participent désormais à la vie des bassins et sont des acteurs de terrain reconnus. Ils pourront contribuer, comme le recommande l’avis du Ceser, au nécessaire accueil de proximité des publics : scolaires, familles, jeunes décrocheurs ou sans solution… Une convention permettant de donner un cadre à cette participation doit être élaborée très prochainement avec les rectorats.

3 questions à ...
Anne-Sophie De Boulois et Jean-Marc Cellier, rapporteurs de la contribution du Ceser

DE BOULOIS Anne-Sophie - ©Sabrina BUDON CELLIER Jean-Marc - ©Sabrina BUDON
© Sabrina BUDON

Quel est le contexte de cette contribution du Ceser pour la Région ?
La stratégie régionale pour une information et une orientation tout au long de la vie a été directement impactée par la loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel (2018). La Région porte désormais des responsabilités nouvelles : informer sur les métiers, les formations et les emplois, ce qui était assuré jusqu’alors par l’Onisep et ses délégations régionales. Mais aussi organiser des actions d’information, élaborer et diffuser des outils en direction des élèves et de leurs familles, ainsi que des étudiants et des apprentis.

Qu’est-ce qui a retenu votre attention ?
Les besoins sont énormes, avec une volumétrie des publics en jeu impressionnante : 8,8 millions de Franciliens sont concernés ! On a relevé des attentes fortes de la part des jeunes, des demandeurs d’emploi, mais aussi des salariés et agents des fonctions publiques, dont plus de la moitié expriment leur souhait de changer de métier. La profusion d’acteurs, d’initiatives et de volontés sur les territoires rendent l’ensemble peu lisible ; le besoin de coordination devient un objectif majeur, complexe et très ambitieux qui va nécessiter une large mobilisation.

Quelles sont les priorités ?
Structurer les lieux d’accueil des publics. Deux réseaux parallèles se complètent et sont à promouvoir. Un réseau dédié aux jeunes scolarisés ou récemment sortis du système éducatif, avec des lieux externes aux établissements scolaires à privilégier. Puis un réseau d’information-conseil « tous publics » davantage porté sur les métiers, tel que modélisé par les Cités des métiers. Un maillage territorial rapproché des bassins d’emploi sera décisif. La Région doit prendre la mesure de ses nouvelles compétences auprès des jeunes scolaires et coordonner son action avec les rectorats. Les moyens conférés par la régionalisation des budgets d’orientation doivent rester dédiés à l’orientation. Enfin, il est important de garantir pour les publics la déontologie des intervenants et organismes qui vont opérer. L’information et l’orientation sont des services publics qui ne doivent pas être laissés aux mains du secteur marchand.