V.Godebout (SNC) : « On demande au chercheur d’emploi d’être le meilleur quand il se sent le plus faible »

Publié le 22/06/2021

Mouvement associatif créé en 1985, Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) est le premier réseau d’accompagnement de « chercheurs d’emploi » en France et porte leur voix dans le débat public. Entretien avec Vincent Godebout, délégué général de SNC.

© Solidarités nouvelles face au chômage

Pouvez-vous nous présenter SNC ?
Notre réseau compte près de 2 500 bénévoles, répartis sur 200 antennes, et accompagne environ 4 000 chercheurs d’emploi par an. Nous préférons ce terme à « demandeur d’emploi » car on ne demande pas du travail, on en cherche ! C’est aussi une question de respect. En Île-de-France, près de 80 « groupes de solidarité » accompagnent 700 personnes chaque année. Hors période de crise, près des deux tiers d’entre elles trouvent un emploi dans l’année.

Quelles sont vos principales actions ?
Nous proposons aux chercheurs d’emploi qui le souhaitent un accompagnement individuel, gratuit, sans limite de temps et non conditionnel. Pour rompre l’isolement des personnes, nous organisons par ailleurs des activités collectives : sorties culturelles, ateliers de préparation aux entretiens d’embauche ou de relooking... Notre association finance aussi des emplois dans l’économie sociale et solidaire. Durant 6 à 8 mois, les personnes continuent d’être accompagnées afin de s’insérer durablement dans l’emploi. Nous avons enfin pour rôle de porter la voix des chercheurs d’emploi auprès des employeurs, des acteurs du service public de l’emploi ou des pouvoirs publics. C’est pourquoi nous publions un baromètre de la situation des chercheurs d’emploi avec OpinionWay, un guide de bonnes pratiques ainsi qu’un rapport annuel autour des angles morts du chômage. Nous avons enfin ouvert, il y a quatre ans, la plateforme « Expressions ».

 

Le premier frein d'accès l'emploi, c’est le regard discriminant que l’on porte sur les chômeurs.


Quelle forme prend l’accompagnement proposé ?
Il se fait en binômes de bénévoles formés, reliés à des groupes de solidarité, dans des lieux neutres (cafés, bibliothèques...). Notre accompagnement se veut bienveillant et respecte le rythme des chercheurs d’emploi. N’oublions pas qu’on leur demande d’être les meilleurs au moment où ils se sentent le plus faible. Il faut donc leur redonner confiance. Leur réapprendre à se présenter et mettre en avant leurs talents et expériences. Chercher un emploi est un travail à temps plein ! Pour les personnes les plus en difficulté, nous mettons aussi à disposition un réseau de 70 psychologues.

Quels sont les principaux freins à l’accès à l’emploi ?
Le premier frein, c’est le regard discriminant que l’on porte sur les chômeurs. Alors que six actifs sur dix connaissent une période de chômage dans leur vie… Les préjugés ont la vie dure. En Île-de-France, il y a également la problématique de mobilité entre les territoires, même si le Grand Paris Express devrait apporter certaines réponses. Aussi, le compte personnel de formation ne fonctionne pas comme il devrait et le financement de la formation reste un magma pour les chercheurs d’emploi. D’autres difficultés, comme l’accès au logement ou la garde d’enfants, peuvent se greffer à tout cela. Le comportement des employeurs joue aussi beaucoup. Un senior est par exemple trop souvent perçu comme « coûtant » trop cher ; alors que c’est faux et que beaucoup d’entre eux acceptent de baisser leur salaire quand ils changent de travail. On les dit aussi peu adaptables, ce qui est faux là encore. SNC milite pour qu’on instaure de véritables entretiens porteurs de perspectives pour la seconde partie et la fin de carrière. Les dispositifs d’aide au recrutement de seniors doivent également être développés. Les seniors sont les principales victimes du chômage de longue durée et ils sont encore les grands oubliés du plan de relance.

La réforme de l'assurance chômage est une bombe à retardement économique, social et politique

Quel regard portez-vous sur la réforme de l’assurance chômage ?
En 2019, SNC était dans la rue au pied du ministère du Travail avec des organisations syndicales – dont la CFDT – pour protester contre cette réforme. Ce n’est pas notre mode d’action habituel, mais pour nous, c’est une bombe à retardement économique, social et politique. La réforme va renforcer la pauvreté, en frappant notamment les jeunes qui débutent avec des contrats « hachés » mais aussi les salariés aux contrats courts, les premiers à souffrir de l’activité partielle ou du coût du logement.