[Interview] "L’air que l’on respire est meilleur que dans les années 60"

Publié le 09/03/2017

Tour d’horizon des enjeux de qualité de l’air dans la région avec Frédéric Bouvier, directeur général d’Airparif.

Quelles sont les missions de votre association ?
Airparif a pour but de surveiller l’état de la qualité de l’air en Île-de-France, comprendre les phénomènes de pollution, informer en toute transparence et accompagner les décideurs et les citoyens. Créée en 1979, l’association est multipartite et donne toute sa place à la concertation, avec 150 membres répartis en 4 collèges : État, collectivités locales, acteurs économiques et industriels, associations de protection de l’environnement et de consommateurs. Elle fournit une information quotidienne sur la qualité de l’air dans la région grâce à des cartographies de la pollution haute résolution intégrant notamment les données issues du réseau de stations de mesure fixes et mobiles. Airparif aide également d’autres villes du monde à se doter d’outils de mesure et appuie les entreprises franciliennes qui innovent dans le domaine.

l’endroit qui concentre le plus de pollution, c’est l’habitacle de votre voiture !
Ces dernières semaines, les seuils de pollution ont été préoccupants. Pourquoi ?
Avec le froid, nous avons généré davantage de polluants liés au chauffage. Dans le même temps, les conditions météorologiques ont été particulièrement défavorables, avec très peu de vent. La pollution s’est donc trouvée « piégée » près du sol. Plus globalement, c’est la concentration de l’activité humaine qui génère la pollution ; la combustion étant le plus gros problème. En Île-de-France, la densité de population et d’urbanisation impliquent une forte exposition des Franciliens à la pollution. Plus on se rapproche du centre de l’agglomération, plus celle-ci augmente. Même si on peut avoir, localement, des zones plus exposées dans des villes moyennes traversées par de grands axes routiers ou dans des villages où une majorité d’habitants se chauffe au bois. Quoi qu’il en soit, l’endroit qui concentre le plus de pollution, c’est l’habitacle de votre voiture !

1,6 million de Franciliens, dont 1 Parisien sur 2, sont encore exposés quotidiennement à un air de mauvaise qualitÉ
La situation dans la région est-elle pire qu’il y a 50 ans ?
Non ! On le dit peu : mais la tendance est globalement à l’amélioration et l'air que l'on respire est meilleur que dans les années 60 ! À partir de la fin des années 50, la réglementation a ciblé les émissions industrielles. Avec des effets notables, comme par exemple sur le dioxyde de soufre (SO2) dont la moyenne était de 300 microgrammes/m3 dans les années 60, contre 2,3 aujourd’hui. Parallèlement, il y a eu la disparition du charbon comme source principale de combustible et des améliorations technologiques (suppression du soufre et du plomb dans les carburants, normes de moteur Euro…). Mais ce n’est pas suffisant : 1,6 million de Franciliens, dont 1 Parisien sur 2, sont encore exposés quotidiennement à un air de mauvaise qualité. Voire la quasi-totalité si l’on regarde les critères de l’OMS, plus exigeants que les critères français et européens.

Que risque-t-on à respirer cet air de mauvaise qualité ?
Plus l’exposition est durable, plus l’impact sur la santé peut être important, en particulier sur les voies respiratoires. C’est pourquoi il faut combattre la pollution chronique dont les niveaux participent également aux pics épisodiques. C’est l’enjeu du plan national Santé environnement 3, qui a développé la notion d’exposome ou d’exposition tout au long de la vie et amené les différents acteurs à prendre des mesures sur la qualité de l’air intérieur ; où nous passons 80% de notre vie.

une journée de chauffage au bois émet autant de particules qu’une voiture qui fait 4 500 km
Que pensez-vous des différentes mesures prises récemment par la Ville de Paris, le Conseil régional ou la Préfecture ?
Toutes les actions pour réduire les émissions sont bonnes à prendre. On est passé d’une logique de tarification alternée, ancienne et binaire, à une logique de tarification différenciée, plus incitative. Mais il faut par ailleurs continuer d’améliorer les techniques, dans l’agriculture notamment, l’isolation des logements ou encore les moteurs et faire évoluer les chauffages individuels – parce qu’une journée de chauffage au bois émet autant de particules qu’une voiture qui fait 4 500 km ! Dans le même temps, il faut agir sur les comportements, par exemple en combattant la combustion sauvage de déchets verts ou en développant les mobilités douces. Nous venons d’ailleurs de lancer l’application Airparif Itiner'AIR qui propose aux piétons, cyclistes et joggeurs des itinéraires moins exposés à la pollution. Nous devons aussi faire de la pédagogie et avoir une communication positive.