Intégrer l’évolution climatique au cadre de vie des lycées franciliens

Publié le 05/12/2019

Un rapport d’autosaisine a été présenté au Conseil économique, social et environnemental (Ceser) d’Île-de-France en octobre dernier par Joëlle Paris, rapporteure au nom de la commission Éducation, formation, enseignement et recherche. En prise avec l’actualité, il lance un défi pour les lycées de demain.

Lycée Samuel Beckett à La Ferté-sous-Jouarre (77) © Joëlle Paris. 

Le titre du rapport est long mais il a le mérite d’être explicite : pour construire la société de demain, il faut intégrer l’évolution climatique au cadre de vie des lycées. L’actualité a mis ces questions sur le devant de la scène et un travail d’auditions, mais aussi de visites d’établissements sur plusieurs mois, a permis à la commission de se pencher sur le cadre de vie offert aux lycéennes et lycéens en Île-de-France.


Rappelons que le parc des lycées publics est sous la responsabilité du Conseil régional. Construction, entretien et parc lycées publics IDFfonctionnement : il s’agit d’un poste budgétaire majeur. Sur les 5 milliards d’euros de budget 2019 de la Région, l’enveloppe consacrée aux lycées atteint 1,27 milliard d’euros (dont 649 millions d’euros d’investissements). Mais surtout, pour faire face à la vétusté du parc touchant un lycée sur trois, un plan d’urgence de 5 milliards d’euros a été voté en mars 2017 (voir encadré). C’est donc le bon moment pour élaborer des préconisations en lien avec le cadre de vie, mais aussi avec les préoccupations environnementales que les jeunes sont de plus en plus nombreux à porter.

Stratégie régionale
La première partie du rapport développe la stratégie régionale et sa mise en œuvre. Avec un focus sur la question de l’optimisation du fonctionnement des établissements en matière d’énergie – la Région gère le chauffage depuis 2013 – de restauration ou encore de transports. Mieux exploiter les sites, rénover le matériel ou l’optimiser permet de réduire les consommations d’énergie. Un audit énergétique est en cours. 72 lycées sont ainsi raccordés à un réseau de chauffage urbain valorisant plus de 50 % d’énergie renouvelable et de récupération. 

Si l’impact des énergies renouvelables reste pour l’heure minime, deux premiers lycées fonctionnant aux énergies renouvelables ont vu le jour à Noisy-le-Grand (93) et Boulogne-Billancourt (92). A contrario, trop de lycées vétustes deviennent des passoires thermiques énergivores et inconfor- tables. La commission en a visité certains. Aussi, pour les futurs lycées, le Ceser préconise de travailler davantage sur le choix des sites (éloignés si possible des pollutions externes) ainsi que sur la qualité et la durabilité de l’enveloppe du bâtiment : inertie thermique, orientation et surfaces vitrées adaptées, protections solaires ef caces, végétalisation des murs et des toitures. Au titre des recommandations pratiques, il conviendrait d’installer des brasseurs d’air plafonniers dans les classes et les parties communes : moins énergivores que la climatisation et plus efficaces que les ventila- teurs sur pied.

Le climat et l’assiette
Avec la restauration scolaire également, le climat commence dans l’assiette... Des efforts sont engagés par la Région, notamment pour introduire des produits issus de l’agriculture biologique dans une centaine de lycées. Ce qui a été salué par le Sgen-CFDT lors d’une instance régionale. À une moindre échelle, les chefs de cuisine de 13 lycées font partie du réseau Les Toqués du local pour la promotion de produits locaux de qualité.

Mais « les choix de modes d’organisation de la restauration collective scolaire n’ont pas tous le même bilan carbone... Lorsque la préparation des repas est sous-traitée à des multinationales, les économies d’échelle se paient en émissions polluantes dues aux transports et à l’agriculture intensive. Ces choix d’organisation peuvent permettre de réduire le gaspillage alimentaire, trop important en restauration scolaire », précise le rapport.

Sensibiliser et responsabiliser les élèves
Les politiques éducatives en matière d’environnement contribuent par ailleurs à une prise de conscience. La Région et le ministère de l’Éducation nationale accompagnent ces initiatives éducatives lorsque les établissements répondent à l’appel, mais le rapport souligne le manque de 

© Joëlle Paris.

généralisation. Ainsi, au 1er septembre 2019, 240 lycées sont déclarés éco-responsables, ce qui représente la moitié du parc.

Mais c’est par le projet d’établissement (obligation réglementaire) qu’un volet éco-responsable pourrait être élaboré partout avec les élèves pour construire, dans la durée, des mesures de responsabilité environnementale et homogénéiser les pratiques : recyclage des bio-déchets, mise en place de consignes, usage raisonné du papier, actions sur les espaces verts... Comme le précise Jean-Luc Guéret, proviseur de la cité scolaire Charlemagne, rencontré dans le cadre du rapport du Ceser : « Nous essayons d’avancer par petites touches mais en nous heurtant au manque de moyens et à la spécificité des bâtiments. Si la sensibilisation est réelle, il reste à passer aux actes. En adoptant une conduite conforme aux convictions des élèves, en les accompagnant par l’éducation et la formation, mais aussi en investissant. »

INTERVIEW

Joelle Paris ©Sabrina BUDON

Joëlle Paris est présidente de la commission Éducation du CESER, représentante des parents d’élèves (FCPE - comité régional Île-de-France) au sein du 3e collège.

Pourquoi ce rapport ?
L’Île-de-France, comme d’autres régions, subit l’accen- tuation d’épisodes climatiques extrêmes : fortes chaleurs, précipitations brutales... Les lycées et leurs usagers n’y échappent pas. Ce sujet d’autosaisine a été retenu par la commission car il faisait consensus : les lycées sont dans le périmètre de l’action régionale, avec notamment un Plan pluriannuel d’investissement (PPI) qui programme les travaux, rénovations et constructions. Les politiques menées doivent s’adapter au réchauffement climatique pour que les territoires gagnent en résilience.


© Sabrina Budon

Qu’est-ce qui a attiré votre attention ?
Nous avons été frappés pendant nos visites par une grande disparité : d’un lycée à l’autre, les conditions de travail et de vie sont inégales. Mais nous avons observé l’implication sans faille de toutes les équipes de direction, lorsqu’elles sont confrontées par exemple à plusieurs années de travaux, ou a contrario qu’elles les attendent... Du côté des représentant.e.s lycéen.ne.s, le besoin de s’investir pour plus d’écologie est très présent.


Quelles sont les préconisations du rapport ?
Nos 16 préconisations sont importantes et complémen- taires. Mais en attendant les reconstructions exemplaires pour remplacer les passoires thermiques, il faut privilé- gier les actions au meilleur ratio coût de mise en œuvre/ ef cacité. Dans l’immédiat, assurer un confort d’été naturel, sans recours à la climatisation, avec des moyens très ef caces comme des stores ou des brise-soleil à l’ex- térieur des surfaces vitrées exposées. À moyen terme, végétaliser les espaces extérieurs. Mais aussi assurer une continuité dans les établissements entre investissement et fonctionnement.

Chaque année qui passe, avec son cortège de records, nous oblige à réagir. En juin 2019, le brevet des collèges a été reporté pour cause de canicule. Cela peut aussi arriver pour le bac. L’atténuation des impacts négatifs pour le climat et l’adaptation au changement climatique vont s’imposer. Aujourd’hui, ce sont les jeunes qui sont les plus conscients de l’urgence et ils sont dans l’action collective avec les grèves scolaires ou les marches pour le climat, très suivies en Île-de-France.