Martine Poulin, directrice du CNAM Paris : "Valoriser le savoir-faire des militants"

Publié le 08/03/2019

Martine Poulin présente les grandes missions du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et propose son éclairage sur le dispositif de valorisation des parcours militants, mené en partenariat avec la CFDT Île-de-France et l’IREFE.

La force du CNAM, c’est aussi que chacun puisse aller à son rythme
Quelles sont les spécificités du CNAM dans le système de formation français ?

Le CNAM est un grand établissement d’enseignement supérieur créé en 1794. Sa devise résume bien ses missions : « Enseigner à tous et partout ». Présent dans plus de 150 villes, en France comme à l’étranger, il défend des valeurs de promotion sociale, de partage, de transmission et de professionnalisation. Nous couvrons un large spectre de publics, avec ou sans diplôme : d’abord des salariés engagés dans la vie active mais aussi des titulaires de Bac pro délaissés dans le système classique, des sportifs de haut niveau en fin de carrière, des migrants qui doivent comprendre nos codes sociaux... Le CNAM entretient aussi un lien étroit avec les branches professionnelles, via ses chaires d’enseignement qui permettent d’identifier des besoins de formation et d’y répondre. La force du CNAM, c’est aussi que chacun puisse aller à son rythme, en validant petit à petit des unités de formation dans un parcours individualisé. Autre spécificité, qui sert d’ailleurs aujourd’hui de modèle à d’autres : les cours du soir pour les actifs qui souhaitent se former hors temps de travail.

Pourquoi avoir accepté de vous associer à la CFDT Île-de-France et l’IREFE pour construire un dispositif de valorisation des parcours militants ?
En 2015, la demande initiale portait sur la Validation des acquis de l’expérience (VAE) pour permettre aux militants syndicaux d’obtenir un diplôme rapidement dans le cadre d’une évolution de carrière ou d’une reconversion. Nous avons pensé qu’avant de les engager vers une VAE, il fallait d’abord orienter les militants vers ce qu’on appelle un sas d’orientation professionnelle. De là sont nées les réunions d’information collectives, suivies d’ateliers « projet personnel et professionnel ». Sur trois jours, ces ateliers permettent d’accompagner les militants et d’identifier les compétences acquises dans les mandats. Un quatrième jour est prévu pour permettre aux militants de réfléchir à leur plan d’action avec l’équipe de conseillers. À l’issue de l’atelier, certains engagent effectivement des démarches de VAE, d’autres décident de suivre un module de formation ou un bilan de compétences.


il faut souvent du temps aux militants pour mettre de côté leur engagement syndical et penser à leur projet personnel. C’est le passage délicat du « nous » au « je ».
Quel regard portez-vous sur les militants CFDT que vous accompagnez ?
Pour nous, les militants syndicaux représentent un public nouveau. Nous en avions déjà eu en formation, mais pas dans le cadre d’une transition de l’activité syndicale vers l’activité professionnelle. Au-delà de l’approche métier, il y avait donc tout un questionnement à avoir autour de la place de cet engagement militant dans la vie du salarié. À cet égard, on constate qu’il faut souvent du temps aux militants pour mettre de côté leur engagement syndical et penser à leur projet personnel. C’est le passage délicat du « nous » au « je ». Certains réussissent à faire la bascule. Pour d’autres, même s’ils sont volontaires, c’est plus compliqué car ils sont parfois usés ou en colère. Ce qui complique les projections en entreprise. Notre travail consiste alors à les accompagner pour remettre en perspective leur parcours et valoriser leur savoir-faire.

Pour les militants, l’identification et la valorisation des compétences acquises est un vrai moment de réassurance.

Quelles compétences peuvent acquérir les militants dans leur activité syndicale ?
On observe généralement de nombreuses compétences en communication, qui vont de la rédaction de tracts à l’organisation d’événements en passant par l’animation de réunions. Les militants ont aussi des qualités en matière d’intervention psycho-sociale et de prévention, à travers l’élaboration d’enquêtes, de rapports et diagnostics ou encore de conduite d’entretien. On relève aussi des compétences en matière de droit social ou pour les métiers de la formation. Pour les militants, l’identification et la valorisation des compétences acquises est un vrai moment de réassurance. L’obtention d’un diplôme est aussi souvent un grand moment pour eux. Mais dans tous les cas, même s’ils ne s’inscrivent pas immédiatement dans une formation, la prise de recul sur le parcours est toujours bénéfique pour eux.