[Portrait] Pascale, droit devant elle !

Publié le 27/12/2018

À la Fnac, son entreprise, ou dans l’interprofessionnel, Pascale Morel a fait de la défense des salariés un leitmotiv. Ses armes ? Une bonne maîtrise du droit… et une détermination sans faille. Rencontre avec la présidente du Conseil des Prud’hommes de Nanterre.

En parallèle de ses études de Lettres modernes, Pascale entre à la Fnac en 1991. « J’avais postulé pour être libraire, j’ai été recrutée au Service Clients », souligne-t-elle. Très vite, la native du Pays basque découvre la dureté des relations sociales dans l’entreprise. « Plusieurs collègues avaient été licenciées pour des motifs injustes, raconte-t-elle. Alors, à plusieurs, nous sommes allés voir le directeur pour avoir des explications. » Les licenciements s’arrêteront. Comme elle avait pris la parole, ses collègues l’incitent à se présenter aux élections des délégués du personnel de 1993. Rebelote l’année suivante, pour les élections CE, alors qu’elle est toujours étudiante. Pascale choisit cette fois la liste CFDT. « J’avais acheté le ‘Que sais-je ?’ sur la CFDT et j’ai découvert que j’en partageais les valeurs », glisse-t-elle.

Des résultats concrets pour les salariés
En 1996, la CFDT finit par devenir majoritaire dans l’établissement. Alors qu’elle achève un DESS en linguistique et sémiologie, l’étudiante « sérieuse » – un qualificatif qui l’a suivie toute sa scolarité – fait le choix de rester à la Fnac. « Mon destin s’est joué aux élections », blague Pascale, qui avait un temps envisagé d’enseigner, « comme maman ». Il faut dire que, sur le terrain, la jeune militante d’alors se démène : « Nous avons réussi à faire reconnaître dans le temps de travail effectif des activités non payées ainsi que l’application de la règle du 10e pour l’indemnisation des congés payés conformément à la loi. » Une dernière action aux conséquences importantes : la Fnac a ainsi dû régulariser les paies de près de 600 salariés, surtout à temps partiel, pour un montant de près d’un million de francs ! « Ça nous a pris des mois mais on n’a rien lâché », sourit-elle. La même année, après une importante restructuration, Pascale connaît ses premières frustrations. « Les PSE, c’est terrible. Une centaine de collègues ont été licenciés et nous nous sommes fait un peu mener en bateau. Nous manquions alors de bagage juridique », reconnaît-elle.

Le juridique comme outil
Pascale troque alors ses romans pour le Code du travail. Après quelques formations, elle devient défenseure syndicale (1995) puis responsable juridique de l’Union départementale CFDT Hauts-de-Seine (2001). « Une formation juridique 100 % CFDT ! », insiste-t-elle. Comme défenseure syndicale, un dossier la marquera particulièrement en 2003. « Un père de famille, salarié dans un supermarché, avait été licencié pour avoir refusé de travailler le dimanche », se souvient-elle. Aux prud’hommes, le juge suit l’avis de Pascale et considère le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Une victoire, qui lui servira par la suite. « En 2009, nous avons été parmi les premiers à négocier un accord sur le travail du dimanche basé sur le volontariat et avec un doublement de la rémunération, explique la déléguée syndicale centrale. De manière générale, c’est souvent à partir de problèmes individuels que l’on construit et obtient des droits collectifs. »

De conseillère à présidente des prud’hommes
En 1999, Pascale est élue conseillère prud’hommes (CPH). Et découvre alors des relations patronat/ syndicats moins tendues qu’en entreprise. « Ça a changé ma manière de voir les choses. On peut s’engueuler mais on doit toujours trouver une solution au litige », estime-t-elle. Très vite, elle fait aussi parler d’elle : « En bureau de conciliation, j’ai remis en cause le montant d’une transaction car j’estimais que le salarié était lésé. On m’a opposé que je devais simplement enregistrer l’accord intervenu entre les parties ! Ça a fait du bruit mais j’ai ensuite été confortée par la jurisprudence », précise, non sans fierté, celle qui est capable de calculer de tête des indemnités de licenciement.

En 2017, Pascale devient présidente du Conseil des Prud’hommes de Nanterre, en alternance avec le collège employeur. Un rôle de « pacificateur » selon elle. En toutes circonstances, elle garde en tête l’importance de se mettre à la place du justiciable : « Avec les PSE que nous avons contestés devant la justice, j’ai appris ce qu’était l’attente d’un procès et d’un jugement. Il ne faut jamais oublier que les décisions que l’on prend peuvent bouleverser la vie des gens. C’est un devoir de rendre le droit compréhensible ».