[Portrait] Patrick, un syndicaliste ancré dans le réel

Publié le 26/10/2017

Figure de la CFDT francilienne, Patrick Gapenne milite depuis près de 40 ans. D’abord à la RATP, puis dans l’interpro, comme conseiller prud’hommes, mandaté dans de nombreuses instances de l’emploi et au Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser). Pour Solidaires, il assemble les pièces du puzzle d’un parcours syndical impressionnant.

Son timbre de voix porte fort. Son ton est assuré. « Ce sont toujours les femmes qui m’ont porté, dans la vie comme dans le syndicalisme », lance Patrick, en guise de présentation. Élevé par sa mère, il grandit dans le 15e arrondissement de Paris ; un quartier où il vit encore. Enfant, il a déjà l’esprit collectif et reçoit à plusieurs reprises le prix de camaraderie. Il obtient son CAP d’ajusteur à 17 ans. « Un diplôme qui ne servait déjà plus à rien, se marre-t-il. Le monde de l’entreprise utilisait des commandes électriques qui n’existaient pas encore dans les lycées ».

Patrick met un pied dans la vie active en 1972. Enfin, un pied… En un an, le jeune homme connaît quelque 13 entreprises ! Avec des surprises à la clé. Dans une des boîtes, Patrick endure au quotidien le bruit assourdissant des marteaux piqueurs. Il décide alors de sortir, avec son atelier sur roulette, pour travailler dehors. « J’étais déjà sur liste rouge auprès des superviseurs », lâche-t-il, l’oeil rieur.

Conducteur de bus
« Par hasard », il entre finalement à la RATP comme machiniste-receveur, c’est-à-dire conducteur de bus. « À l’époque, personne ne voulait y aller car c’était mal payé et ils ne reconnaissaient pas les diplômes passés à l’extérieur », se remémore-t-il. Après un détour par l’armée, il retourne bon gré mal gré à la RATP. Il en profite pour préparer une capacité en droit à l'université. Aussi, il adhère d’abord à la CGT – ultramajoritaire dans son entreprise – avant de rejoindre la CFDT, quelques mois plus tard, entraînant avec lui quelques collègues.

L’école des prud’hommes
En 1979, il suit sa première formation dans l’interprofessionnel. « C’était trois jours à ne pas tenir le volant », rigole-t-il. Il y rencontre Annie Roussel, secrétaire générale de la CFDT Paris, une des femmes qui le portera plus haut. On lui demande alors de « prêter sa carte d’identité » pour les candidatures prud’hommes, où il est positionné comme nonéligible. Mais à la suite du départ d’un collègue, il devient éligible et élu… Et comme la CFDT avait revendiqué plusieurs présidences, il devient même, à 24 ans, le plus jeune président d’audience au conseil des prud’hommes (CPH) de Paris.

Un statut qui ne l’embarrasse guère : « Nous étions quelques-uns à la CFDT à vouloir dépoussiérer les CPH », expose-t-il. Ainsi, ils impulsent des changements : sur la forme, ils font tomber la cravate tandis que sur le fond, ils développent notamment des procédures rapides pour préserver les droits des demandeurs. « Les employeurs acceptaient de traiter une affaire urgente (l’ancêtre du référé, NDLR) par mois quand on en demandait une par heure ! Au final on est arrivé à une par jour », se félicite-t-il. Pour les élections de 1982, Patrick décroche même le premier rôle d’un film de campagne CFDT sur les prud’hommes, où il s’illustre en représentant de la classe ouvrière.

Sur le front de l’emploi
Très vite, le jeune militant trouve sa voie dans l’interprofessionnel. « Ce qu’on peut faire dans l’interpro est tellement plus varié », commente-t-il. Patrick multiplie les mandats et devient peu à peu incontournable sur les questions d’emploi : à l’Assedic de Paris de 1982 à 2008, où il assure notamment la présidence ; à l’Urssaf ensuite, en 1994-1995 ; à l’Unedic de 1987 à 2005, où il fait la rencontre de Nicole Notat, ou encore à l’ancien Garp de 1984 à 2008. À partir des années 1990, il entre aussi au Ceser, mandat qu’il occupe toujours. Homme de réseaux, il y est connu pour son franc-parler et reconnu pour sa capacité à construire des ponts entre les différentes sensibilités de la société civile.

Malgré cet impressionnant parcours qui lui a valu d'être récemment décoré de l'Ordre national du mérite, Patrick ne se décrit pas comme « un vrai politique » mais plutôt comme un pragmatique. Jamais avare en exemples pour illustrer ses propos. Un brin philosophe, aussi : « Ce qui importe dans nos mandats, c’est de comprendre les réalités des salariés et des entreprises, tenir compte des contextes. »

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