[Dossier] Grand Paris des transports : ce qui va changer à l'horizon 2040

Publié le 10/03/2020

Plus de quarante ans après la création des RER et des villes nouvelles, les transports et les mobilités se réinventent dans la région à l’aune de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Le Grand Paris Express est sur les rails, tandis que les usages se diversifient avec le recours accru à des modes de transport moins polluants. Tour d’horizon des bouleversements qui pourraient remodeler le visage de la région dans les 20 ans à venir.

© Société du Grand Paris / Laurent Villeret

Imaginez aller de Clichy-Montfermeil à La Défense en à peine plus d’une demi-heure, contre plus d’une heure actuellement. Se rendre d’Issy-les-Moulineaux à Cachan en neuf minutes au lieu de quarante-six, ou relier Boulogne-Billancourt à Champs-sur-Marne en trente sept minutes contre une heure actuellement. Avec le Grand Paris Express (GPE), projet de super métro capable de pointes de vitesse à 110 km/h, les temps de trajet de banlieue à banlieue vont se réduire considérablement à partir de 2024.

Grand Paris Express, « le chantier du siècle »
Issu de la fusion en 2011 des projets Arc express (financé par la Région) et du Grand Paris (subventionné par l’État), le GPE va profondément transformer le quotidien de millions de Franciliens à l’horizon 2030-2040. Surnommé le « chantier du siècle », il est considéré comme le plus grand projet urbain en Europe. Et pour cause : il prévoit la création de 4 nouvelles lignes de métro autour de Paris (15, 16, 17 et 18) et le prolongement de la ligne 14 au nord et au sud. Au total, ce ne sont pas moins de 200 km de lignes, essentiellement en souterrain, qui vont être créées. Soit… l’équivalent du réseau de métro existant ! Ce à quoi s’ajoute la construction de 68 nouvelles gares.
Carte du Grand Paris Express
Carte du Grand Paris Express avec calendrier de mise en service actualisé suite aux arbitrages du gouvernement en 2018.

Estimé à environ 35 milliards d’euros, le GPE est désormais entré dans sa phase opérationnelle. Les travaux battent leur plein sur le premier tronçon de la ligne 15, au sud, où 10 tunneliers vont creuser les 33 km de lignes qui relieront Pont de Sèvres à Noisy-Champs. Avec un objectif : être prêt pour les Jeux olympiques de 2024. À l’instar de la ligne 15 sud, le tronçon de la ligne 16 Saint-Denis Pleyel / Le Bourget et ceux de la ligne 14 au nord et au sud doivent également être mis en service avant le début des JO.

Si le GPE doit permettre à terme de désengorger le réseau parisien en facilitant le transport de banlieue à banlieue, il soulève aussi des interrogations. Sur certains tronçons, n’aurait-il pas fallu favoriser des modes de transport nécessitant des infrastructures moins lourdes et onéreuses, comme les bus ou les tramways ? Comment limiter l’inflation immobilière observée dans les zones des futures gares du GPE ? Pour la CFDT Île-de-France, il est indéniable que le GPE va permettre de désenclaver certaines villes et quartiers défavorisés et contribuer ainsi à réduire les inégalités territoriales. Certains territoires – à l’instar du Val-d’Oise ou de la Seine-et-Marne – ne seront en revanche que peu ou pas concernés par le GPE. Ce qui pose la question du bénéfice qu’en tireront les Franciliens habitant en grande couronne…

Grand-Paris-Express SGP tunnelier
Au coeur du chantier de Champigny-sur-Marne, où un tunnelier – gigantesque train-usine de près de 100m de long et 10 m de diamètre – est chargé de creuser le tunnel de la future ligne 15. © Société du Grand Paris / Laurent Villeret
                     
Voiture thermique : vers une interdiction dans la métropole en 2030
Si la voiture reste selon l'Insee le premier mode de transport (tous types de déplacements confondus), son avenir dans la région s’écrit désormais...en pointillé. Pour réduire la pollution de l’air, responsable selon l’agence nationale de santé publique de près de 2 500 morts prématurés par an dans la capitale, la Mairie de Paris a pris plusieurs mesures pour interdire aux véhicules les plus polluants de rouler en semaine, entre 8h et 20h. Pour l’heure, sont concernées les voitures diesel immatriculées avant 2006 (vignettes Crit’air 4 et 5). D’ici 2024, ce sont toutes les voitures roulant au diesel qui seront bannies de la capitale puis, d’ici 2030, toutes celles roulant à l’essence.

La Métropole du Grand Paris suit le même chemin puisqu’elle a d’ores et déjà proscrit la circulation des véhicules Crit’air 5 sur le territoire situé dans le périmètre de l’A86. Prochaines étapes : l’interdiction en 2021 des véhicules estampillés Crit’air 4 puis Crit’air 3 en 2022. De son côté, la Région a décidé de bannir à l’intérieur de ses frontières la circulation des véhicules à motorisation diesel à l’horizon 2030. Dans la zone à faible émission délimitée par l’A86, elle veut même aller plus loin en interdisant, à la même date, tous les véhicules à motorisation thermique. Un objectif qui concernera à terme, en 2040, toute la région.

Si ces politiques sont ambitieuses en terme environnemental, elles génèrent aussi leur lot d’angoisses et de difficultés pour les habitants les plus modestes de la région. Sans un accompagnement puissant pour aider à l’achat de véhicules plus propres et une amélioration du maillage du territoire au niveau des transports en commun, cette politique pourrait voir se multiplier les résistances. Et puis, reste une question de fond absolument centrale à laquelle il faudra répondre : quelle est la motorisation alternative qui parviendra à supplanter le moteur thermique ? Si beaucoup soutiennent le développement des moteurs électriques, n’émettant aucun CO2 à l’usage, ces moteurs posent toutefois de vraies problématiques (pollution générée par les batteries depuis l’extraction des matières premières jusqu’au recyclage final, autonomie limitée, etc.).

chiffres clés transport
L’essor des mobilités durables
Au-delà du super métro et de ces premières mesures restrictives pour les moteurs thermiques, la région Île-de-France devrait aussi voir son visage évoluer avec l’émergence de nouveaux modes de déplacement. Les récentes grèves à la SNCF et à la RATP l’ont montré : les équipements favorisant la « micro-mobilité », c’està- dire les trottinettes, vélos et autres mono-roues – pratiques pour les petits déplacements – ont le vent en poupe. Et ils s’avèrent d’autant plus nécessaires que le futur réseau de transport en commun ne suffira pas à absorber l’ensemble des voyageurs qui utilisent aujourd’hui leur voiture.

S’il n’est pas nouveau, cet essor de nouvelles mobilités s’accélère depuis quelque temps, bien aidé par des politiques publiques volontaristes : développement d’aménagements cyclables (+35 % dans la région entre 2016 et 2019), instauration d’un forfait mobilité Mobilités douces SGPdurable remplaçant l’indemnité kilométrique vélo (indemnité désormais plafonnée à 400 € par an et étendue aux trajets domicile-travail en covoiturage), renforcement des moyens de transport en libre-partage (« Vélib », trottinettes, automobiles et scooters…) et des parkings aux abords de Paris, aide à l’acquisition de vélo électrique, etc.

De nouveaux modes de transport pourraient aussi voir le jour dans les années à venir. On pense par exemple aux navettes électriques et autonomes (sans chauffeur) déjà expérimentées à La Défense et à Rueil-Malmaison ou encore aux taxis volants sur la Seine « Sea Bubbles ». D’autres solutions, comme le télétravail et les espaces de co-working aux abords des gares, devraient aussi se développer et rendre la région Île-de-France plus verte, en désengorgeant son réseau de transport en commun tout en limitant la pollution atmosphérique. Autant de défis dont, il y a fort à parier, on reparlera d’ici 2040...
interview fabian cfdt idf CPTP