[Interview] S.Beaudet, vice-président du Conseil régional : « Il faut qu’on développe le polycentrisme en Île-de-France »

Publié le 27/03/2018

Vice-président du Conseil régional et d’Île-de-France Mobilités (ex STIF), Stéphane Beaudet aborde pour Solidaires les enjeux de mobilités qui se posent dans la région.

Crédit  photo © Lionel Antoni

Comment la Région s’engage-t-elle sur la question du déséquilibre spatial entre lieux de vie et lieux de travail ?
C’est le vieux débat Est/Ouest. Sur les court et moyen termes, il y a d’abord la question de l’amélioration de la desserte des pôles d’emploi actuels. Aujourd’hui, les décisions que nous avons prises pour améliorer la situation des transports en commun portent sur un montant de près de 24 milliards d’euros d’ici 2025-2026. Mais ces investissements ne permettront pas de régler le problème de saturation du réseau. Il faut donc changer de paradigme.

La révolution des mobilités passe aussi par une révolution de l’usage des routes. La congestion – avec de 250 à 400 km d’embouteillages chaque matin – cache une réalité : le seul réseau que l’on utilise mal et qui n’est pas complètement saturé, c’est la route. On compte en moyenne 1,1 usager par voiture le matin dans les bouchons alors que si on passait à 1,8 il n’y aurait plus de bouchons. L’un des enjeux majeurs, à moyen terme, est donc d’avoir plus de gens sur la route, mais avec beaucoup moins de véhicules. Cela est à mettre en perspective avec l’avènement des véhicules propres et intelligents et l’aménagement de voies dédiées aux transports publics.

Sur le long terme, notre objectif est d’agir sur l’aménagement du territoire et la réduction du temps de parcours domicile-travail. Je crois profondément aux villes nouvelles voulues par De Gaulle et Delouvrier. C’est pourquoi il faut qu’on développe le polycentrisme en Île-de-France, avec de vrais bassins d’habitat dans lesquels on retrouve des loisirs, des services publics, des emplois, des transports...

Comment la région aborde-t-elle les enjeux liés aux nouvelles formes de travail ?
Nous pensons qu’il faut se saisir de la révolution numérique pour changer nos pratiques. Partout, on nous envie notre réseau de transports, qui est considéré comme l’un des meilleurs au monde. Sauf que nous, nous ne le voyons que par sa saturation aux heures de pointe. Alors que ces heures ne représentent que 4 ou 5 heures par jour. Ainsi, il nous paraît essentiel d’agir sur la question du lissage des heures de pointe, ce qui implique de nouvelles organisations du travail. Certaines entreprises et collectivités s’y mettent, en instaurant par exemple une présence obligatoire de 11h à 15h et en laissant la possibilité aux salariés d’arriver et de partir en décalé des heures de pointe. Mais nous voulons aller encore plus loin en expérimentant davantage sur le sujet avec les entreprises volontaires. La Région – soit dit en passant – montre l’exemple puisqu’elle a elle-même adopté un plan de déplacements administration (PDA), qui prévoit notamment plus de télétravail.

Que signifie la transformation du STIF en Île-de-France Mobilités ?

En réalité, il s’agit avant tout de la création d’une marque. Le nom juridique du STIF ne change pas puisqu’il est inscrit dans une loi. Ce qui évolue, c’est l’identification de la région comme autorité organisatrice. Avec Valérie Pécresse, nous sommes allés il y a un peu plus d’un an dans le Nord de la France visiter les nouvelles rames créées par Alstom et Bombardier. Nous avions ainsi remarqué que les trains d’autres régions faisaient mention du nom de la région qui en assurait le financement, contrairement aux trains Franciliens. Pour nous, à un moment où les Français ne savent plus très bien qui fait quoi, il était important d’incarner et d’assumer qui est aux commandes.

Selon vous, quel rôle peuvent jouer les partenaires sociaux dans les débats sur la mobilité ?
Sur tous les sujets que l’on vient d’évoquer, les partenaires sociaux ont une connaissance précieuse du système. Les représentants syndicaux sont avant tout des salariés, avec une parfaite connaissance de l’évolution du travail, des temps de parcours, des cultures, de la législation, etc. Les syndicats sont par ailleurs très bien représentés dans les métiers de l’industrie automobile, de la conception des routes, des grands opérateurs de transports comme la RATP, la SNCF et ils ont ainsi une compétence sur ces sujets dont on aurait tort de se passer.