[Portrait] Raoul, au nom des autres

Publié le 10/03/2020

Ses racines tunisiennes, son enfance à Paris, son premier métier de serrurier, ses mandats dans les organismes HLM… Avec pudeur et fierté, Raoul Journo nous ouvre les pages de son histoire personnelle et syndicale.

Né à Tunis en 1951, Raoul n’y a vécu que deux ans avant que sa famille n’émigre vers la France. De sa terre natale, il a gardé un nom qui sonne comme un hommage. « Raoul Journo, c’est le nom d’un chanteur traditionnel juif tunisien qui était l’idole de mon père, précise Raoul. Quand je suis retourné en Tunisie en 2000, les douanes m’ont interpellé en pensant que j’étais lui », aime-t-il à rappeler. Issu d’une fratrie nombreuse, il grandit dans le populaire 11e arrondissement de Paris. « Nous vivions dans un deux pièces avec mes parents et mes six frères et soeurs. Sans chauffage, avec des rats qui pullulaient dans la cour de l’immeuble…», raconte-t-il, les yeux embués par ces souvenirs qui remontent à la surface. Une période marquante qui durera jusqu’à ses 10 ans et prendra fin après que la famille ait obtenu un logement social – un cinq pièces cette fois – à Ermont.

Formation dans le bâtiment
Raoul, très jeune, est orienté vers l’apprentissage. « Mon père voulait que nous travaillions avec nos mains. Mes soeurs se sont donc tournées vers la couture, mes frères et moi vers les métiers du bâtiment », relate-t-il. Après un CAP de serrurier, il est embauché dans une très petite entreprise. « Dans l’atelier, je ne me suis pas senti à l’aise, entre les problèmes d’alcoolisme et la vulgarité ambiante », se souvient-t-il. Ce qui pousse le jeune homme d’alors à suivre des cours du soir pour devenir aide métreur. Raoul est finalement embauché comme serrurier au sein d’un organisme HLM de la région parisienne qui gère 70 000 logements. « Une bouffée d’air pour l’avenir », commente-t-il. Là, il devient surveillant de travaux, avant de travailler ensuite comme responsable technique pour un autre office HLM. En 1986, il est recruté par une entreprise sociale de l’habitat en tant que chef d’agence. Il y restera jusqu’en 2011.

Soucieux du lien social entre collègues mais aussi déterminé à faire entendre la voix des salariés, Raoul prend des responsabilités au Comité d’entreprise, où il est élu sans étiquette à une écrasante majorité.

Un syndicaliste respecté
Avec des collègues, il ne tarde pas à se rapprocher de la CFDT, dont il loue l’approche constructive : « Ce n’est pas le tout de critiquer en permanence, il faut être capable de trouver des solutions ». Quitte parfois à voir son évolution professionnelle et son salaire stagner, comme il l’a expérimenté dans sa carrière.

Tour à tour élu CE et DP, nommé membre du CHSCT et délégué syndical, Raoul contribue à faire de la CFDT le syndicat majoritaire dans l’entreprise. Jusqu’à se faire repérer, en 2003, par l’Union régionale. On lui propose alors de devenir administrateur dans un Comité interprofessionnel du logement (Cil) qui a en charge la collecte des fonds du 1 % logement – aujourd’hui Action logement – auprès des employeurs. Ironie de l’histoire : en tant qu’administrateur, il dispose d’un droit de vote sur les orientations en matière de stratégie, et ces orientations ont un impact direct… sur la marche de sa propre entreprise ! « Avec les villes et les préfectures, les Cil – aujourd’hui disparus au profit de 13 directions régionales – avaient un vrai rôle pour favoriser la mixité sociale et fixer des priorités sur les attributions. Que ce soit pour les personnes les plus démunies, les familles monoparentales, les femmes victimes de violences conjugales… », détaille-t-il. « Petit soldat de la CFDT » comme il se définit, Raoul siégera ensuite dans différentes instances des organismes HLM. Il intervient également dans le cadre d’un module de formation sur le logement à l’IREFE, l’institut de formation syndicale de la CFDT Île-de-France.

En parallèle de sa vie syndicale, Raoul est, depuis 2010, président d’une association d’Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à Eaubonne. Une structure qui recueille des fonds auprès des collectivités afin d’organiser des animations pour les résidents. « Comme mon homonyme, il m’arrive de pousser la chansonnette lors de nos karaokés, révèle-t-il. Mon répertoire, c’est plutôt Adamo, Aznavour, Bécaud, Halliday... Notre plus belle récompense ? C’est de voir la lumière dans les yeux de ceux qui nous écoutent chanter », livre-t-il, fidèle à lui-même, empli d’humilité et de générosité.