[Portrait] Guillaume, des mots sur les maux

Publié le 08/10/2019

Ergonome à la RATP, Guillaume Depincé est également délégué syndical CFDT et vice-président de l’Agence régionale pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) Île-de-France. Pour Solidaires, il rembobine le fil de son parcours et nous parle de son action pour améliorer le quotidien des travailleurs.

Fils d’un ergonome, Guillaume n’avait pas vraiment prévu de marcher dans les pas de son père. « J’ai un parcours atypique, s’amuse le quadra originaire de Saint-Lô. Après le BAC, j’ai intégré une école de commerce. Si cela m’a permis de mieux comprendre les logiques d’organisation du travail à l’œuvre dans les entreprises, j’ai été choqué par certains discours incompatibles avec mes convictions », se souvient-il. À l’époque, Guillaume travaille l’été dans une imprimerie. Où se produira un drame. « Nous avions un chef d’équipe fabuleux qui s’est fait arracher le bras par une gigantesque machine d’impression photo, raconte-t-il, ému. Après quoi, la direction a affirmé qu’il aurait dû stopper la machine avant d’intervenir. Sauf qu’une fois arrêtée, il fallait près de 2h pour qu’elle redémarre et toute la chaîne de travail en était affectée, explique-t-il. C’était un exemple flagrant de déconnexion des dirigeants avec la réalité du travail ».

Le handicap, sujet de prédilection

Ce tragique accident fait naître chez Guillaume un désir de nouveaux horizons. À 22 ans, après un stage de fin d’études à l’Aract de Basse-Normandie, il rejoint Paris et se lance dans un Master d’ergonomie au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). « Je voulais m’intéresser à la réalité du travail et aux gens qui le font, explique-t-il. À cet égard, l’ergonomie est une très belle boîte à outils, mais c’est avant tout un regard porté sur le travail ».

Au Cnam, Guillaume rencontre un militant CFDT qui deviendra son mentor : Bruno Duboscq. « C’est lui qui m’a déniché un CDD de six mois au centre de bus de la RATP, avec comme mission de comprendre l’accidentologie des machinistes receveurs », relate-t-il. Après cette période de test, Guillaume est recruté en tant qu’agent. Bruno commence à l’éveiller aux combats syndicaux. Comme par exemple le maintien en emploi des travailleurs en situation de handicap ; sujet sur lequel il avait déjà beaucoup travaillé au Cnam. « Le jour où tu sauras appréhender ce genre de situation, tu sauras tout faire », lui souffle-t-il. Pour Guillaume, l’ergonomie devient alors un moyen de faire bouger les choses.

L’école de la transmission

À la RATP, il se rapproche de la CFDT, dont il loue « la capacité de compréhension des réalités du travail et sa logique de transformation par la recherche de solutions concrètes ».

Par l’intermédiaire de Bruno, Guillaume découvre aussi l’IREFE, l’institut de formation syndicale de la CFDT Île-de-France. « L’unique organisme, à ma connaissance, à consacrer une journée entière à l’ergonomie dans ses formations CHSCT », souligne-t-il. En sa qualité d’ergonome, Guillaume y participe occasionnellement depuis près de quinze ans. « Ce qui est passionnant, c’est qu’on ne se contente pas de transmettre : on s’abreuve aussi des témoignages de militants. Ce qui permet de rester à jour sur l’évolution du travail et ses formes d’organisation, en mouvance perpétuelle », observe-t-il.

Engagé pour les petites boîtes

Ces précieux témoignages viennent aussi nourrir son discours syndical dans les instances. D’abord au Comité technique régional (CTR) de la branche transports, dont il a assumé la présidence pendant trois ans. « Lâché directement dans le grand bain », sourit-il. Au CTR, son rôle consiste à promouvoir la prévention des risques, au travers notamment d’incitations financières. « Un boulot parfois frustrant car les petites entreprises ne sont jamais au courant des aides que nous mettons en place alors que ce sont elles qui en ont le plus besoin », estime-t-il, pointant un gros déficit d’information.

Aujourd’hui, Guillaume est vice-président de l’Aract, après en avoir été le président. Là, il discute pour l’essentiel des orientations stratégiques de l’organisme paritaire. « L’Aract propose des outils d’une richesse incroyable à l’instar d’Areso, une méthode d’intervention spécifique pour apaiser les relations sociales en entreprise. Mais il y a encore beaucoup à faire pour développer la prévention, en augmentant notamment le nombre d’interventions de spécialistes dans les TPE-PME », prévient-il. Avant de finir sur une note positive : « Les petits ruisseaux font les grandes rivières ! »