Hôpital public : nouvelle organisation sur le territoire

Publié le 09/03/2017

Les restructurations dans la santé se poursuivent. La Loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 a pour ambition de rénover notre système de santé et d’anticiper les mutations des dix prochaines années. Entre autres mesures, elle créée des Groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui visent à mieux organiser et répartir l’offre de soins. Le point sur cette nouveauté et sur ses enjeux, tant pour l’organisation du système de santé, que pour le quotidien et l’avenir des personnels.

Les GHT sont des ensembles d’établissements de santé adossés à un établissement support qui se mettent d’accord pour construire un « projet médical partagé ». Celui-ci devra être conforme au projet régional de santé et tourné vers les besoins de santé d’un territoire, l’offre de soins et le parcours de prise en charge des patients. Les GHT ne sont pas des fusions d’établissements, chacun conservant son autonomie, mais ils impliquent la mutualisation obligatoire de certaines missions et fonctions support comme la biologie médicale, l’imagerie, la pharmacie, les achats ou encore les systèmes d’information et la formation. En Île-de-France, le périmètre de quinze GHT a été arrêté, en juillet 2016, par l’Agence régionale de santé (ARS). L’AP-HP, organisée en groupes hospitaliers composés chacun de plusieurs hôpitaux, fait l’objet d’un décret spécifique.

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Une nouvelle organisation de l’offre publique

Cette stratégie de prise en charge commune doit être adaptée aux besoins des patients et rationaliser les modes de gestion par une mise en commun. « Une démarche intéressante, précise Marinette Soler, secrétaire générale adjointe de la CFDT Île-de-France. À condition de repenser ces évolutions en complémentarité avec la médecine de ville et le médico-social. Au final, chaque Francilien doit avoir accès à un parcours de santé lisible, accessible y compris financièrement, et sécurisé ». Car il faut penser ce parcours dans et hors de l’hôpital. Du côté des usagers, il faudra aussi veiller à ce que ces regroupements participent à la réduction des inégalités d’accès aux soins. Pour les salariés, de nombreuses questions se posent, notamment concernant les conséquences de la mutualisation d’activités pour les personnels et l’impact en matière de mobilité d’emplois et géographiques.

De nouveaux espaces de dialogue ?
L’autre nouveauté est la création, dans chaque GHT, d'une « conférence territoriale de dialogue social », où vont siéger chacune des organisations syndicales présentes dans au moins un des établissements du GHT. Une avancée obtenue par la CFDT Santé sociaux, comme le fait remarquer Annick Pradères, responsable de l’Union professionnelle Santé sociaux Île-de-France. « Dès 2012, avec les premières coopérations hospitalières, la CFDT avait revendiqué la mise en place d’une instance qui pourrait aborder les conséquences des restructurations pour les personnels et poser les bases de réelles négociations dans la fonction publique hospitalière ». Ces instances – qui viennent en complément de celles des établissements – devront aborder, à l’échelle du GHT, les projets de mutualisation, les mobilités (et leurs contreparties), les responsabilités dans les activités mutualisées, l’organisation et les conditions de travail, la formation ou la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. C’est en tout cas le souhait de la CFDT et cela nécessitera que les directions jouent la carte de la transparence, de l’anticipation et du dialogue social, ce qui n’est pas gagné mais incontournable.

Accompagner les équipes

Pour aider les équipes syndicales d’Île-de-France à construire une véritable stratégie syndicale territoriale sur leurs GHT et permettre aux mandatés de se forger une vision globale, sur le territoire, de l’offre de soins, des évolutions à venir ou de l’adaptation des métiers, la Fédération santé sociaux, l’Union professionnelle régionale et l’Union régionale Île-de-France, avec l’appui du cabinet d’experts Syndex, ont décidé de mener ensemble un projet d’accompagnement des équipes. Celui-ci s’appuiera sur la production d’outils concrets et évolutifs, sur l’échange de pratiques, mais aussi sur une articulation renforcée entre le professionnel et l’interprofessionnel. Une première rencontre des équipes d’Île-de- France, en septembre dernier, a permis de définir les nombreux besoins. Car les choses sont pour l’heure assez peu cadrées et les enjeux de taille. La CFDT souhaite que ces instances puissent constituer l’amorce d’un dialogue social et de négociations sur l’organisation et la qualité de vie au travail, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l’hôpital, à un moment où les conditions d’exercice et la reconnaissance des personnels sont particulièrement mis à mal. Avec en ligne de mire la réduction des inégalités d’accès aux soins et un parcours de soins coordonné et financièrement accessible.

 [INTERVIEW] Jean Pierre Robelet, directeur général adjoint de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France : "L’enjeu est de mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à horizon de 10 ans" JP ROBELET ARS

Comment s’est effectuée la constitution des GHT en Île-de-France ?
Un important travail de diagnostic a été effectué pour définir les périmètres des GHT. Dès 2014, l’ARS a aussi mis en place un dialogue avec l’ensemble des partenaires (Fédération hospitalière de France, AP-HP, médecins libéraux, usagers, élus…). Les organisations syndicales ont été tenues informées au niveau régional et les conférences territoriales de dialogue social permettront de donner aux représentants des personnels toute leur place dans les GHT.

Comment voyez-vous la coordination avec la médecine de ville et les établissements médico-sociaux ?
Une coopération permanente doit être impulsée entre chaque GHT et l’ensemble des acteurs de ville. Plusieurs thèmes de travail commun seront à approfondir : gestion des soins non programmés (au-delà des urgences) ; amélioration des parcours de soins ; articulation entre GHT et ville (soins de proximité, communautés professionnelles…). Les établissements médico-sociaux ont aussi toute leur place dans l’organisation par filières des activités de l’hôpital. L’ organisation hospitalière nouvelle, plus intégrée, facilitera par ailleurs le transfert de l’expertise médicale (gériatrique, en santé mentale…) de l’hôpital vers les établissements médico-sociaux. Ces coopérations choisies pourront ainsi conforter des établissements médico sociaux dont l’isolement pourrait être un risque.

Quels sont vos objectifs en matière d’emploi ?
La politique ressources humaines en santé est un levier majeur et doit prendre en charge la bonne répartition géographique des professionnels en fonction des enjeux de santé et des besoins de la population et l’adaptation des compétences aux nouveaux enjeux sanitaires : coopération entre professionnels de structures et statuts divers, évolution rapide des technologies, délégations de tâches, pratiques avancées... L’ enjeu est de mettre en place une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à horizon de 10 ans, permettant de définir un schéma de recrutement et de formation, avec une maille territoriale fine tenant compte des situations locales. Cette GPEC impliquera une complémentarité forte entre État, Conseil régional, assurance maladie et institutions chargées de la formation initiale et continue.