Mobilisation dans les Ehpad : une question de dignité

Publié le 22/03/2018

Depuis plusieurs mois, les personnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et de l’aide à domicile se mobilisent dans toute la France pour alerter les pouvoirs publics sur leur situation : insuffisance de moyens, conditions de travail dégradées… Une situation qui entraîne aussi une grave détérioration de la qualité des soins aux personnes accueillies. Partout, ils ont reçu un fort soutien des « résidents » et de leurs familles.

Des militants CFDT lors du rassemblement du 30 janvier 2018 à Paris.

« Je suis une richesse ! », « Donnez-nous les moyens de faire notre travail », « Nous aimons notre métier ! », « Dignité pour nos aînés ! ». C’est sous ces banderoles que les salariés des Ehpad et de l’aide à domicile ont manifesté les 30 janvier et 15 mars derniers à Paris devant le Ministère de la santé. Dans les deux mobilisations, les adhérents CFDT sont venus en nombre et motivés. Leurs revendications portent sur le manque crucial de moyens qui entraîne aussi une forte dégradation de leurs conditions de travail. Ils demandent notamment la présence d’un agent par résident, une réforme de la tarification mais aussi une revalorisation de leurs rémunérations, des formations et des perspectives de carrière. Chose rare, les directeurs d’établissements étaient également nombreux lors des rassemblements. Yvan Le Guen (syndicat CFDT de l’encadrement des établissements sanitaires et sociaux - Syncass), ancien directeur adjoint d’un important groupement d’établissements du Val-de-Marne, témoigne : « Les équipes de direction vivent des injonctions paradoxales permanentes : comment donner du sens au travail quand on fait face à une situation financière exsangue ? Nous jouons notre responsabilité civile, pénale et administrative. On constate un véritable désengagement des conseils généraux. La tarification des établissements cache un véritable sujet dont la société civile doit se saisir : celui de la prise en charge globale du risque-dépendance ».

Agir sur le territoire
Alors qu’entre 2007 et 2013, le nombre de Franciliens de plus de 85 ans a augmenté de 31 %, alors que le sous-équipement en places d’hébergement pour personnes âgées dépendantes est patent dans notre région – 74,9 places pour 1 000 personnes de 75 ans et plus en moyenne (contre 95 pour 1 000 au niveau national), il est plus que jamais nécessaire de porter des revendications communes entre personnels et usagers. C’était d’ailleurs une des conclusions de la rencontre consacrée à la prise en charge des personnes âgées dépendantes organisée par l’Union régionale Île-de-France fin 2017. Une rencontre qui a permis de rappeler qu’au niveau interprofessionnel, certains leviers existent, comme le souligne Marinette Soler, secrétaire générale adjointe de la CFDT Île-de-France : « Nous siégeons dans diverses instances comme la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie ou les Conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (voir encadré). Nous y donnons notre avis sur l’implantation des établissements, l’ouverture de places supplémentaires dans notre région qui est en déficit, mais aussi pour améliorer l’accès à l’information et aux droits. Nous insistons enfin sur la nécessité d’avoir des personnels en nombre suffisant et qualifiés. »

CDCA-CFDT IDF
Solidarité des familles, dignité pour les patients
Le malaise des soignants est aussi lié à la dégradation des conditions d’accueil des résidents. Le mouvement a reçu un écho très positif dans une opinion publique qui a quand même globalement du mal à aborder frontalement ces questions. Les adhérents retraités CFDT étaient nombreux aux rassemblements. « C’était indispensable pour nous d’appeler à la mobilisation pour exprimer notre solidarité vis-à-vis des personnels, explique Guy Déchamp, secrétaire général de l’Union régionale des retraités d’Île-de-France. Nous recevons des quantités de témoignages d’adhérents dont les parents sont en établissement. Avec l’allongement de l’espérance de vie et le maintien à domicile, les personnes rentrent de plus en plus âgées en Ehpad. Leurs enfants sont donc souvent eux-mêmes retraités. Les familles attendent que leurs aînés soient bien traités mais les salariés ne peuvent plus rendre ce service. Collectivement, nous avons aussi une responsabilité à investir davantage les Conseils de vie sociale des Ehpad, lieux d’expression et de représentation des résidents et de leurs familles, du personnel et de la direction qui pourraient être des leviers d’action ».

En pièce-jointe, retrouvez les interviews complémentaires de Nicolette, agent de soin, et de Philomène et Jean-Marc, aides-soignants.