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Accord collectif : pas d’opposition à la révision sans représentativité !

Publié le 04/10/2017

Dans un arrêt publié et rendu sous l’empire des textes applicables avant la loi Travail, la Cour de cassation juge qu’un syndicat signataire d’un accord collectif ne peut s’opposer à la procédure de révision lorsqu’il a perdu sa représentativité aux dernières élections. Dans sa note explicative, la Haute cour précise qu’elle tire ici les conséquences du mode de détermination de la représentativité instauré par la loi du 20 août 2008. La CFDT, qui a signé la position commune de 2008 dont est issue cette loi, ne peut que saluer cette jurisprudence. Cass.soc.21.09.17, n°15-25.531.

  • L’engagement de la procédure de révision avant la loi Travail

L’ancien article L.2261-7 du Code du travail prévoyait seulement que « les organisations syndicales de salariés représentatives, signataires d'une convention ou d'un accord ou qui y ont adhéré (…), sont seules habilitées à signer (...) les avenants portant révision de cette convention ou de cet accord ».

A partir de cet article, la Cour de cassation, exigeait (dans le cas particulier où rien n’était prévu dans l’accord initial), pour engager la révision d’un accord collectif, le consentement unanime de tous les syndicats signataires de cet accord (1).

Dans la pratique, cette interprétation empêchait donc la révision d’un accord collectif dès lors qu’un syndicat signataire s’y opposait et ce, peu importe qu’il soit encore représentatif ou non.

Le syndicat est représentatif dans l’entreprise s’il franchit le seuil des 10 % au premier tour des dernières élections du comité d’entreprise, de la délégation unique du personnel ou à défaut, des délégués du personnel.

En statuant ainsi, la Cour de cassation allait donc dans le sens contraire de la loi de 2008 (2) et plus encore de la volonté des partenaires sociaux signataires de la position commune dont est issue cette loi. Comme le souligne la note de la Cour de cassation, l’ancienne jurisprudence ne tenait pas compte des objectifs de la loi consistant « à fonder l’acquisition de la représentativité sur la présence et l’activité syndicale en entreprise matérialisée, principalement, par l’audience électorale obtenue par le syndicat lors des dernières élections professionnelles ».

Aussi fallait-il actualiser cette jurisprudence, c’est enfin chose faite avec notre arrêt.  

  • Faits, procédure

En 2003, un accord collectif portant sur le dialogue social est signé par les organisations représentatives de l’époque : la CGT, FO et la CFE-CGC.

Quelques années plus tard, en 2013, un accord de révision est quant à lui signé avec la CFE-CGC et la CFTC  (qui a depuis adhéré à l’accord initial). 

La CGT saisit le tribunal de grande instance dans le but de suspendre  la mise en œuvre et l’application de l’accord de révision. Selon elle, un trouble manifestement illicite était constitué du fait que l’ensemble des syndicats signataires de l’accord initial n’avait pas consenti à sa révision. Pour la CGT, tous les signataires de l’accord initial auraient dû accepter la négociation de la révision, peu importe qu’entre-temps ils aient perdu leur représentativité.

La question posée à la Cour de cassation était donc la suivante: un syndicat signataire d’un accord collectif peut-il s’opposer à la procédure de révision lorsqu’il n’est plus représentatif ?

  • Prise en compte de la représentativité dans le processus de révision

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, qui refuse qu’un syndicat signataire de l’accord initial puisse s’opposer à sa révision alors qu’il a perdu sa représentativité. La Haute cour actualise ainsi sa jurisprudence en posant le principe suivant : « l’organisation syndicale de salariés qui, signataire d’un accord d’entreprise, n’est plus  représentative pour la durée du cycle électoral au cours duquel la révision d’un accord d’entreprise est proposée, ne peut s’opposer à la négociation d’un tel accord ».

La Cour de cassation justifie, dans sa note, son ancienne jurisprudence par le fait qu’elle « trouvait parfaitement sa place dans un système de représentativité  présumée et immuable ».

Avant la loi de 2008, « la seule affiliation d’un syndicat d’entreprise à l’une des 5 confédérations syndicales nationales ayant été déclarées représentatives par décision ministérielle de 1966 lui conférait la qualité de syndicat représentatif, et par voie de conséquence, le droit de négocier des accords collectifs avec l’employeur quand bien même il ne disposait d’aucun adhérent parmi les salariés de l’entreprise, l’existence d’une section syndicale étant elle-même présumée ».

La loi de 2008 étant passée par là, cette jurisprudence n’avait plus lieu d’être. Il faut, comme le souligne la Cour de cassation, « tirer les conséquences de la nouvelle légitimité démocratique reconnue aux syndicats en entreprise, remise en cause tous les 4 ans ». Aussi, seuls les syndicats signataires à l’accord initial et représentatifs lors de l’engagement de la procédure de révision peuvent s’y opposer.

La CFDT ne peut que se réjouir de la pleine application de la loi de 2008, laquelle donne plus de légitimé aux organisations syndicales signataires pour s’opposer à une procédure de révision.

En outre, cette nouvelle jurisprudence facilite la révision des accords. C’est d’ailleurs dans cet objectif que la loi Travail a modifié les règles de procédure de révision.

  • Les règles de la procédure de révision, depuis la loi Travail

Depuis la loi Travail, la portée de cette nouvelle jurisprudence est toutefois limitée. En effet, depuis son entrée en vigueur, il est désormais prévu explicitement dans le Code du travail (3) la procédure d’engagement de la révision, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Il est prévu qu’est désormais habilité à engager la procédure de révision d’un accord :

-          jusqu’à la fin du cycle électoral au cours duquel l’accord initial a été  conclu, une ou plusieurs organisations syndicales à la fois  représentatives et signataire ou adhérente de l’accord ;

-           à l’issue du cycle électoral, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, même non signataire de / ou non adhérente à l’accord initial.  

On peut constater que l’obligation du consentement unanime des signataires pour réviser un accord n’a pas été reprise.

Cette nouvelle jurisprudence a donc vocation à s’appliquer seulement aux contentieux consécutifs à des processus de révision engagés avant le 10 août 2016 (date d’entrée en vigueur de la loi Travail).



(1) Arrêt du 13.11.08, n°07-42.481.

(2) Loi n°2008-789 du 20.08.08 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

(3) Art.  L. 2261-7 C.trav (pour les accords de branche) et L. 2261-7-1 C.trav. (pour les accords d’entreprise, d’établissement).