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[Portrait] Nadia, l'âme rebelle

Publié le 09/03/2017

Le syndicalisme, Nadia Berghout est tombée dedans à… l’adolescence. Une histoire singulière, initiée au coeur des usines de sidérurgie lorraines et poursuivie dans les cités de Seine-Saint-Denis. Rencontre avec la responsable du groupe jeunes de la CFDT Île-de-France.

Longwy. C’est au coeur de l’un des plus anciens bassins industriels de France qu’a grandi Nadia. Son père, ouvrier du bâtiment, et sa mère, au foyer, étaient venus d’Algérie. « Mon père s’est installé dans le Nord-Est car il y avait du boulot, resitue-t-elle. Il avait entendu parler de cet endroit car mon grand-père avait été mobilisé à Verdun puis en 40 ». L’adolescente d’alors est « plutôt rebelle » et « pas très studieuse ». Ses parents l’envoient en école privée. Où elle découvre l’aumônerie et la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC).

Nadia a 16 ans quand elle rencontre Robert Giovanardi, secrétaire général de l’Union locale (UL) CFDT de Longwy. « Après un fait divers tragique, où un jeune s’est fait tirer dessus par un commerçant au cours d’un braquage, les jeunes du coin se sont révoltés, se souvient-elle. Robert est venu calmer le jeu, dire qu’il y avait d’autres moyens d’action que la violence ». Cette figure locale se montre alors à l’écoute, convaincue qu’ « il faut faire plus pour les jeunes ».

Nous avions soutenu les grèves dans les usines, où travaillaient beaucoup de jeunes des cités voisines.
À l’école de « Turbulence »
Avec une quinzaine de jeunes, elle intègre « Turbulence », association rattachée à l’UL. « On nous avait mis un local à disposition. Le weekend ou en soirée, nous aidions les jeunes à rédiger des CV, préparer un rendez-vous à l’ANPE, développe Nadia. Par rapport à d’autres associations de jeunesse, c’était un avantage d’avoir des référents du monde du travail à côté », observe-t-elle. Au sein du réseau « Turbulence », l’antenne de Longwy est d’ailleurs citée en exemple. « Nous proposions des choses concrètes, pas de l’occupationnel, avance-t-elle. Nous avions aussi soutenu les grèves dans les usines, où travaillaient beaucoup de jeunes des cités voisines. »

Des actions portées par Robert Giovanardi, dont Nadia garde un souvenir indélébile. « Jusqu’à son décès en 2016, nous avions continué d’échanger, confie-t-elle, les yeux soudainement embués. Il m’a transmis son esprit critique et c’est grâce à lui que j’en suis là ». Car des turbulences, Nadia en a connu aussi au cours de sa scolarité. « J’ai mis beaucoup de temps à savoir ce que je voulais faire car je n’avais pas assez de repères pour me projeter », explique-t-elle. Et si elle s’oriente d’abord vers le médico-social avec son BEP et son BAC, elle suit finalement un BTS et une licence en économie sociale et familiale. Et finit ses études dans la capitale. « J’avais une tante, à qui je rendais souvent visite, qui habitait Paris. C’était mon espace de liberté. Je pouvais visiter des musées, aller au théâtre, raconte-t-elle. Car là d’où je viens, il n’y a rien ! »

La découverte du 9.3
À 24 ans, elle décroche son premier travail à la Caisse d'allocations familiales. Au beau milieu des tours de Seine-Saint-Denis. Un « choc culturel, sourit-elle. Je me disais : ‘Mais comment peut-on faire vivre des gens dans des endroits pareils’ ? ». Elle adhère rapidement à la CFDT. S’en suit un interlude en centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Sa « plus belle année professionnelle ». Mais les horaires sont interminables et la paie ne suit pas. Nadia retourne donc à la CAF, en CDI cette fois. Elle s’engage dans la section. Et interpelle alors la responsable CFDT du Syndicat francilien des agents de la sécurité sociale : « Et maintenant, on fait comment pour militer ? » Elle devient secrétaire adjointe au CHSCT. Puis, est élue DP et au CE. La section se renforce.

Quand on cumule la jeunesse avec l’origine étrangère et le manque de réseau, c’est compliqué
Forums de l'emploi
Nadia s’implique aussi hors de l’entreprise. À l’occasion d’Effervescence, une formation organisée par la Confédération pour les jeunes militants, elle tisse des liens avec des Franciliens : « J’y ai retrouvé ce que j’avais quitté en Lorraine. L’interprofessionnel permet de s’ouvrir à des gens venus de tous les milieux », souligne-t-elle. Le groupe jeunes de la CFDT Île-de-France naîtra peu après. Un groupe qu’elle anime aujourd’hui et avec lequel elle a contribué à organiser des forums de l’emploi à Créteil, Bagnolet ou Villiers-le-Bel. Dans la lignée de ses premiers engagements à Longwy. « Sur place, on conseille les jeunes, souvent peu préparés au monde de l’emploi, souffle-t-elle. Quand on cumule la jeunesse avec l’origine étrangère et le manque de réseau, c’est compliqué ». Comme un écho à sa propre histoire.

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