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CDD de remplacement : à fond la forme !

Publié le 21/06/2017

Pour être valablement conclu, le CDD de remplacement ne doit pas seulement être passé par écrit, il doit aussi faire clairement apparaître «le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée». A défaut, la relation contractuelle devra être considérée comme étant à durée indéterminée. Voilà ce que la Cour de cassation est venue rappeler dans un arrêt récent. Cass.soc.09.06.2017, n° 15-28.599.

 

  • Le contexte propre à l’affaire

Le 27 octobre 2012, une salariée, employée administrative de son état, se trouve licenciée par l’entreprise Dyneff. S’estimant être victime d’une injustice, celle-ci décide par la suite de saisir le conseil de prud’hommes.

Partie de l’entreprise avec une ancienneté assez conséquente (pas loin de 15 années), elle aura tout loisir, à l’occasion de la constitution son dossier, de se remémorer ses vertes années. Et de se rappeler que ses premières années d’exercice professionnel avaient trouvé à se réaliser non sous l’égide d’un CDI mais de plusieurs CDD…

CDD, en nombre assez important, qui avaient été successivement conclus pour accroissement temporaire d’activité et, pour l’un d’entre eux, pour remplacement.

Chacun de ces CDD s’avérant ne pas être conformes aux prescriptions légales, la salariée a donc décidé d’adjoindre à sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse, une demande de requalification de CDD en CDI de chacun des CDD ayant été conclus à l’époque, dont celui qui l’avait été pour remplacement.

  • Rappel de la règle applicable

A l’inverse du droit du CDI, le droit du CDD se caractérise par son strict formalisme. Non seulement le motif de recours au CDD doit être précisément porté au contrat mais qui plus est, des informations assez précises portant sur le salarié remplacé doivent également y figurer.

C’est ainsi que si le Code du travail autorise le recours au CDD pour « remplacement d’un salarié », notamment « en cas d’absence » ou « de suspension de son contrat de travail »[1], c’est à la condition toutefois que le contrat ainsi conclu le précise et fasse apparaître « le nom et la qualification de la personne remplacée »[2]. 

C’est en arguant de la mise à mal de ces dispositions que la salariée demandera que le CDD pour remplacement qui avait été conclu avec l’entreprise Dyneff soit judiciairement requalifié en CDI[3].

  • Le contrat litigieux et sa mise en œuvre

Le contrat de remplacement litigieux avait été conclu le 21 juin 1999. Son motif de recours était ainsi libellé : « des remplacements partiels successifs durant les congés payés de la période estivale ».  

A bien lire cette mention, il apparaissait qu’en exécution de ce seul et même contrat, il y avait eu pluralité de remplacements de salariés, dont les noms et les qualifications n’avaient d’ailleurs pas été portés à la connaissance de la salariée.

Ce qui, en soit, était déjà constitutif d’une irrégularité suffisamment grave pour induire une requalification du CDD en CDI

Mais bien que les apparences lui aient été franchement défavorables, la partie employeur ne s’est pas démobilisée pour autant. C’est ainsi qu’elle a cherché à se défendre en arguant que, dans les faits, la salariée titulaire de ce CDD n’avait eu à remplacer qu’une seule et même salariée (dont elle a finalement communiqué l’identité et la qualification au cours du procès).

  • La position des juges du fond

Une telle argumentation aurait pu paraître vaine au regard du Code du travail, le CDD devant nécessairement « comporter la définition précise de son motif » ainsi que « le nom et la qualification de la personne remplacée ». A défaut de quoi, il ne peut qu’être « réputé conclu pour une durée indéterminée ». Présomption qui n’admet pas la preuve contraire. 

Malgré tout cela, les juges d’appel, de manière pour le moins surprenante, ont débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes !

  • Le nécessaire recadrage de la Cour de cassation

Pourvoi ayant été interjeté par la partie salariée contre l’arrêt d’appel, la Cour de cassation ne pouvait rester sans réaction.

Les textes précisant que le CDD de remplacement devait comporter « le nom et la qualification DE LA PERSONNE REMPLACEE », il ne pouvait logiquement avoir pour objet que de pourvoir au remplacement d’une seule et même personne. Or la Cour de cassation n’a pas eu de mal à constater que, du fait « des propres énonciations » du contrat (conclu, rappelons-le, pour « remplacements partiels successifs durant les congés payés de la période estivale »), tel n’était pas le cas dans ce dossier.

Sur ce point-là, selon une jurisprudence aussi ancienne que constante[4], la Cour de cassation ne pouvait que casser l’arrêt rendu par les juges d’appel,  et ce quelle que fût la contre-argumentation développée par la partie employeur. Même en l’admettant recevable, il y aurait eu lieu d’en déduire que le nom du salarié remplacé et sa qualification étaient absents du contrat de travail. Et que dès lors, le contrat souffrant d’une lacune aussi substantielle, il devait nécessairement être « réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée ».[5]

A tout coup donc, ce CDD de remplacement ne pouvait échapper à la requalification en CDI !

La morale de cette affaire est qu’en matière de CDD, le formalisme sert en tout premier lieu à l’indispensable protection du salarié précaire…



[1] Art. L. 1242-2 1° a et c C. trav.

[2] Art. L. 1242-12 1° C. trav.

[3] Art. L. 1245-1 C. trav.

[4] Cass. soc. 24.02.1998, n° 95-41.420.

[5] Cass. soc. 06.05.1997, n° 94-41.940.