[Dossier] Dialogue social: un pied dans la porte

Publié le 29/12/2022 (mis à jour le 30/12/2022)

Facteur de progrès et participant de la réussite économique de l’entreprise, le dialogue social est pratiqué notamment dans les instances représentatives du personnel (IRP) et lors des négociations entre le délégué syndical et le représentant de l’employeur. Réfléchies, mises en place en suivant des étapes, elles amènent souvent des résultats pour les salariés. Sous certaines conditions.

Qu’entendons-nous lorsque nous parlons de dialogue social ? Le terme est large et mérite d’être circonscrit : selon l’Organisation internationale du travail (OIT), le dialogue social « inclut tous types de négociation, de consultation ou simplement d’échange d’informations entre les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs selon des modalités diverses, sur des questions d’intérêt commun relatives à la politique économique et sociale ». Dans une entreprise ou administration, il se réfère donc aux échanges d’informations, consultations et négociations qui ont lieu entre représentants des employeurs et des salariés. À noter, seul le délégué syndical est en capacité de négocier et de signer des accords avec l’employeur.

Le dialogue social représente-t-il un bon moyen pour obtenir des résultats pour toutes et tous ? Sans aucun doute, lorsque l’on sait comment s’en emparer. Or, selon le rapport Combrexelle sur la négociation collective, le travail et l’emploi, remis au Premier ministre (Manuel Valls, NDLR) en septembre 2015, en France il n’y a pas de « culture de la négociation et du compromis… Il existe donc un besoin de pédagogie de la négociation qui suppose la confiance et le respect de l’autre ». Fort de ce constat, le Conseil économique, social et environnemental donnait, en mai 2016, un avis contenant 36 recommandations pour développer la culture du dialogue social. Cinq d’entre elles concernaient l’évolution des méthodes, à savoir : mettre en valeur les véritables enjeux de la concertation et de la négociation, faire participer toutes les entreprises à la dynamique du dialogue social quelle que soit leur taille, valoriser et rendre accessibles les accords négociés, systématiser l’évaluation de la mise en œuvre des accords et en utiliser les résultats pour les négociations ultérieures et, enfin, promouvoir des dispositifs d’interprétation des accords et de conciliation.

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Une pédagogie nécessaire

L’IREFE, institut de formation syndicale de la CFDT Île-de-France, a mis en place un parcours de formation permettant d’acquérir les principaux éléments de méthode : « Toutes nos formations sont concernées par la thématique du dialogue social. Mais les parcours CSE et délégué syndical interrogent plus spécifiquement les mécanismes de négociation. De fait, là où il y a des IRP, peu importe la taille de l’entreprise, il y a une histoire du dialogue social. Et c’est de là que l’on doit partir. Le dialogue a-t-il été continu ou rompu par le passé ? Quels ont été les droits obtenus ? Nous soulignons par exemple que pour conserver les droits, il faut d’abord les faire valoir », explique Geneviève Barbe, formatrice en charge de ce parcours à l’IREFE. Déconstruire pour construire ensuite, tenir compte de la spécificité de chaque établissement : « Nous demandons aux délégués syndicaux d’identifier leurs besoins d’abord, puis d’exprimer quel est leur rôle par rapport à la section, l’entreprise et les salariés. Pour promouvoir une démarche d’action collective et de négociation, ils doivent aussi être dans un rapport d’égal à égal avec la direction et les salariés, être identifiés comme interlocuteurs, détenir les informations nécessaires à l’exercice de leur mandat… En réalité, ils arrivent dans nos formations avec dix questions et en repartent avec 1 000 mais une grande motivation et des outils pour agir », poursuit-elle.

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Du sur-mesure

à l’instar de Geneviève Barbe, le dialogue social doit, pour Isabelle Taniou, secrétaire régionale en charge du dialogue social à la CFDT Île-de-France, reposer sur une relation de confiance et un rapport d’égal à égal, puis se construire au cas par cas. « Il ne s’agit pas juste d’aller discuter avec le patron. Il est important, aussi bien dans le privé que dans le public, d’être au plus près du terrain et de porter un syndicalisme de construction. Pour cela, il faut interroger les adhérents et les salariés sur les sujets qui leur tiennent à cœur et ceux qui doivent faire l’objet de négociations. Le délégué syndical a une analyse très fine de ce qu’est son entreprise mais il doit la confronter avec son collectif puis élaborer un cahier revendicatif et établir des priorités », explique-t-elle. L’Union régionale peut aider les sections et les syndicats dans la construction d’un dialogue social digne de ce nom dans les entreprises. « Nous avons des leviers, notamment au moment de la négociation d’un protocole d’accord préélectoral mais aussi lors des bilans à réaliser à la suite de la première mandature du CSE. Nous pouvons aider les sections et les syndicats en matière de jurisprudence ou pour négocier un accord de dialogue social. »dossier P10-B.Martin

L’ARC pour mieux orienter

Deuxième levier, la batterie d’outils et d’informations mis à disposition des militants par la confédération mais aussi l’Union régionale, dans le cadre de l’ARC (accompagnement, ressources, conseil) : « On peut y trouver des fiches pratico-pratiques sur la manière de conduire une négociation, mais aussi des rappels plus théoriques ainsi qu’un partage d’expériences d’équipes, qui peuvent en éclairer d’autres », note Isabelle Taniou. L’ensemble de ce corpus constitue la preuve de l’importance que la CFDT accorde au dialogue social et à ses bénéfices aussi bien pour les travailleurs que pour la démocratie en général. « Nous le disons souvent, nous pouvons nous lever de la table mais nous ne pratiquons pas la politique de la chaise vide », poursuit-elle. Ce qui ne signifie en aucun cas, ne pas savoir reconnaître les limites auxquelles cette pratique est parfois confrontée : « Depuis les ordonnances Macron qui regroupent les CHSCT et les CE, le temps de négociation, les heures syndicales et le nombre d’élus ont été réduits de moitié. Tout ça en même temps que la crise Covid. Ceux-ci sont épuisés et moins à même d’exercer leur mandat sereinement. Sans compter que parfois, dans certains contextes difficiles, d’autres formes d’action sont indispensables ».

Pour autant, il ne faut jamais baisser les bras mais au contraire rebooster les élus et les équipes, reprendre là où les négociations avaient bloqué et en somme, sauvegarder ou conquérir des droits pas à pas, progressivement et sans relâche.

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