[Dossier] Perte d'autonomie: quelle prise en charge syndicale?

Publié le 07/04/2023

La question nous concerne tous : en France, 2,2 millions de personnes seront en perte d’autonomie en 2050, contre 1,3 million en 2017. Comment, dans ce contexte, agir syndicalement pour tenir compte de cette population mais aussi des besoins des travailleurs du secteur et des proches aidants ? Comment, en Île-de-France, agir aussi contre les inégalités territoriales dans l’accès aux soins et aux dispositifs d’aide pour la dépendance ?

© Michel Gaillard/REA

La situation est sans aucun doute préoccupante : alors que la perte d’autonomie concerne un nombre de pe sonnes en croissance constante en France, principalement du fait du vieillissement de la population, sa prise en charge demeure extrêmement compliquée. Pour deux raisons majeures. Tout d’abord, le manque croissant de personnel spécialisé, aussi bien dans les Ehpad et les établissements de soin, qu’à domicile. Pénibilité, conditions de
travail souvent très difficiles, salaires insuffisants, manque de reconnaissance expliquent les tensions dans ces métiers. « La pénurie d’aides-soignants par exemple – déjà importante, puisque 20 % des postes sont non pourvus – va s’aggraver dans les années à venir avec – 25 % de candidatures aux concours d’accès aux diplômes d’aide soignant et d’accompagnant éducatif et social, en l’espace de six ans… », note Marion Dauchot, déléguée régionale en charge de la protection sociale à la CFDT Île-de- France, lors de la rencontre organisée à ce sujet le 25 novembre dernier par l’Union régionale.

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Deuxième raison : la difficulté rencontrée par les usagers pour connaître les mécanismes d’aide existants et y accéder. L’effort de financement est en effet réparti entre une multitude d’organismes aussi bien d’État que des collectivités locales, de la Sécurité sociale, des mutuelles complémentaires… « Lorsqu’on est frappé par la nouvelle d’une maladie impliquant à court, moyen ou long terme une perte d’autonomie, il faut d’abord passer par une phase d’acceptation, pour envisager de demander de l’aide afin de constituer le dossier nécessaire à la prise en charge. De plus, la méconnaissance des organismes aggrave l’isolement de la personne et de sa famille », explique Géraldine Cornette, secrétaire générale adjointe de la CFDT Île-de-France.

Une valeur de la CFDT
La CFDT ne saurait fermer les yeux sur ce problème. « Nous sommes convaincus que le traitement accordé aux aînés par une société est révélateur de son degré de cohésion et de démocratie. Le pacte républicain doit aussi tenir
compte des moments difficiles et l’équité doit toujours prévaloir. Or la promesse républicaine est aujourd’hui défaillante. Il est urgent d’agir pour lutter contre les inégalités dans la prise en charge de la perte d’autonomie, améliorer les conditions de travail des aides-soignants à domicile ou dans les établissements et reconnaître la juste place des proches aidants », précise de son côté Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale, responsable de la politique de la santé, de la famille et du maintien de l’autonomie. Actuellement, la France compte 3,9 millions de proches aidants. En 2050, ils représenteront un habitant sur cinq.

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Inégalités territoriales
Premier axe d’action syndicale, la lutte contre les inégalités territoriales, qui, très souvent, suivent le même schéma que les inégalités de revenus. Tel est le cas, par exemple, en Seine- Saint-Denis, où on peut observer une difficulté majeure dans l’accès aux soins par rapport au reste de l’Île-de- France. « Nous devrions tous avoir le même confort de vie. Syndicalement, nous avons des choses à faire dans la dénonciation de ces inégalités ainsi que dans l’accompagnement. Nous avons en quelque sorte un devoir d’information des travailleurs sur les dispositifs d’accueil et les points d’entrée », poursuit Jocelyne Cabanal. En clair, la CFDT doit s’organiser de manière à être un interlocuteur pertinent – sans pour autant se substituer à l’État ou aux collectivités. Et, au sein de la CFDT, ce sont les structures territoriales qui sont en mesure de mettre en place cet accompagnement.

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Quel financement ?
La CFDT, présente dans certains lieux de gouvernance tels que les caisses primaires d’assurance maladie et autres instances paritaires, peut non seulement contribuer à construire du lien entre elles, mais aussi porter des revendications précises auprès du gouvernement. « Notre revendication principale concerne le financement de la perte d’autonomie. Celui-ci doit être transparent et universel. Les critères de la prise en charge doivent être indépendants de l’âge de la personne concernée. Nous sommes pour une prise en charge à la carte qui peut être financée par des dispositifs innovants. Nous pouvons inventer des choses », avance Jocelyne Cabanal.
C’est tout le contraire de ce qui se passe de nos jours : les financements sont éclatés et insuffisants. Ils « rationnent » les services. Or c’est la question médicale qui doit entraîner la question budgétaire et non l’inverse : étant donné que les besoins sont importants mais qu’il existe des tensions sur les finances publiques en général, il va falloir « mettre davantage au pot ». Comment ? La CFDT, en congrès, a proposé de taxer les héritages et les transmissions à hauteur de 1 %. Un dispositif qui pourrait suffire à couvrir les besoins.

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Prévention et reconnaissance
Dernier volet de la prise en charge syndicale de la perte d’autonomie : l’amélioration des conditions de travail aussi bien des aides-soignants et du personnel spécialisé que des travailleurs proches aidants. « Il est temps de reconnaître les compétences et d’offrir de vraies possibilités d’évolution aux professionnels du secteur. L’une de leurs plus grandes souffrances est d’avoir l’impression de faire mal leur métier, faute de moyens », note Géraldine Cornette.
Côté travailleurs proches aidants, qui sont de plus en plus nombreux, il est urgent de mettre en place des dispositifs personnalisés dans les entreprises, qui sont à négocier avec l’employeur. Le rôle de la CFDT est ici indispensable : tricotage territorial, travail des mandatés dans les instances pertinentes, négociations des équipes en entreprise, l’heure est à la compréhension de toutes les dimensions de ce problème et à la prise de décisions responsables et durables.