[Portrait] Alain, passeur de valeurs

Publié le 18/03/2019

Préventeur au ministère des Armées, Alain Gallet anime des formations syndicales à l’IREFE, l’institut de la CFDT Île-de-France, depuis une vingtaine d’années. Une responsabilité taillée pour ce militant qui a l’art de questionner les postures et de faire bouger les lignes.

Sa voix est douce, posée. Ses mots choisis avec soin. Élevé en Normandie, Alain obtient un DUT en mesure physique à 20 ans. Sa carrière débute en 1979 chez un sous-traitant de l’Arsenal de Cherbourg, où il teste des équipements pour les sous-marins nucléaires. « Je ne m’attendais pas à être recruté car j’avais mené beaucoup d’actions coup de poing avec le comité antinucléaire de La Hague », souligne-t-il avec malice. Son choix d’alors est dicté par la raison. « Je sortais d’un an de chômage et ma fille venait de naître », justifie-t-il.

Pour autant, Alain s’épanouit dans ce qu’il fait. « C’est un travail de précision. Avant d’intervenir, on commence par évaluer la perturbation que notre intervention va créer », explique-t-il. Le jeune homme reste pourtant fidèle à ses engagements. « Ce qui me heurtait, c’est qu’on dise que le nucléaire était un sujet trop technique pour qu’on laisse les citoyens s’en saisir », argue-t-il. À l’époque, la CFDT était le seul syndicat à avoir une réflexion sur le sujet. C’est donc « logiquement » qu’il y adhère en 1982.

Au service du collectif
En 1985, Alain passe le concours de la fonction publique pour devenir technicien en bâtiment et infrastructure. Il est recruté au Fort de Vanves, près de Paris. « Ce fut un vrai choc, se souvient-il. J’ai découvert une ambiance militaire et paternaliste, très loin de ce que j’avais connu à Cherbourg. Sous-payés, les agents ne connaissaient pas leurs droits et n’osaient rien demander au colonel, considéré comme Dieu le Père ».

De là naît son engagement militant à la CFDT. Il crée une section en 1988 et monte des dossiers individuels pour accélérer les avancements. « Je me suis dit que je pouvais aider car je proposais des solutions faisables et pragmatiques », avance-t-il. À 30 ans, la parole d’Alain – déjà appelé « le sage » par certains – a du poids. « On a rapidement eu des résultats et plus de la moitié des agents de l’établissement ont adhéré », souligne-t-il. C’est alors que son syndicat fait appel à lui. « Nous devions mieux nous organiser, relate Alain. En 1994, nous avons remis à plat notre fonctionnement, avec l’appui de l’IREFE, et redéfini nos priorités, autour du développement – ce qui était encore peu habituel à l’époque –, de la communication et de la formation syndicale ». Dès lors, avec d’autres, il se forme et s’engage auprès de l’institut à animer régulièrement des formations.

Alain adhère d’emblée aux méthodes de pédagogie pour adultes de l’institut. « On devrait dire andragogie !, rectifie-t-il. On fait émerger ce que les gens savent déjà : c’est très différent d’une relation classique professeur/ élève ». Devenu secrétaire général du syndicat en 1998, il incite ses adhérents à partir en formation et monte ses premières journées d’accueil de nouveaux adhérents. Son principal objectif d’alors ? « Créer un sentiment d’appartenance à la CFDT ».

L’agitateur d’idées
En formation, Alain aime à questionner les postures. Comme lors de la formation des enquêteurs du « Travail en questions », grande enquête menée par la CFDT au tournant des années 2000. « Les enquêtes de terrain, c’était complètement nouveau, note-t-il. Développer l’écoute quand on s’est toujours acharné à convaincre, ça remue ! » Parmi les formations marquantes, il cite aussi celle sur les techniques de négociation, où il ne s’agit pas « de parler le plus fort mais de trouver le meilleur compromis », ainsi que ‘Découverte de la CFDT’, une « formation indispensable pour transmettre l’histoire et les valeurs de l’organisation ».

En 2006, le syndicat francilien de la défense nationale – issu de la fusion de plusieurs syndicats – est créé. C’est le moment que choisit Alain pour « reprendre une vie plus normale », après deux mandats à la tête du syndicat. « Il était pour moi évident que mon engagement se poursuivrait au-delà de mes fonctions au syndicat, affirme celui qui continue d’animer des formations près de 30 jours par an à l’IREFE. L’animation est une bonne école de la responsabilité, juge-t-il. On apprend à donner du sens et à rendre les gens acteurs ». Une façon de mettre en pratique la notion d’émancipation si chère à la CFDT.