[Portrait] Karima, libre comme l'air !

Publié le 22/06/2021

Représentante syndicale à Pôle emploi Île-de-France, Karima Mohand est aussi investie à la mission locale de Paris et au Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser Île-de-France). Un engagement où se dessine un fil rouge autour de l’emploi, la formation et… l’émancipation.

Native de Kabylie, Karima grandit avec l’idée solidement chevillée au corps que l’on n’a pas le droit de se plaindre. « Mes parents étaient des gens honnêtes et forts, souligne-t-elle. Avec eux, mes soeurs, mon frère et moi n’avions pas le droit de nous poser en victimes, il fallait bosser. L’école a été pour nous primordiale. » Comme beaucoup de femmes algériennes qui ont connu la guerre, sa mère ne sait à l’époque ni lire ni écrire. « De peur de voir les filles se faire violer, on ne les envoyait pas à l’école », resitue Karima. Son père, lui, est parti dans les années 50 en France pour travailler. D’abord comme manoeuvre puis comme compagnon du devoir. « À force de travail et de belles rencontres, il a réussi à ouvrir un petit hôtel, raconte-t-elle. Il a pu nous faire venir en 1970 grâce au regroupement familial ». Karima a quatre ans quand elle emménage dans le pavillon que son père a acheté à Goussainville, en banlieue parisienne. « Nous ne comprenions pas un mot de français, mais nous avons vite appris », se souvient-elle.

Réseau, travail & émancipation

Si elle n’est pas « spécialement une tête à l’école », Karima s’accroche néanmoins aux études. Après le Bac, elle suit une formation d’attachée de presse à l’EFAP. Mais à la sortie, la jeune femme peine à trouver du boulot dans le secteur qu’elle convoite : la mode. « Les places étaient chères, commente-t-elle. Et comme mes parents n’avaient pas de réseau, j’ai vite compris qu’il fallait que je m’en construise un ». Après un premier emploi d’attachée de presse, elle saisit une opportunité et devient… agente immobilière sur l’île de Saint-Martin (Antilles). « J’aime la liberté », sourit-elle. Elle rentrera à Paris à 28 ans pour travailler comme coordinatrice d’une équipe de vendeuses pour un laboratoire de produits de beauté, puis comme conseillère marketing pour une compagnie pétrolière.

À 34 ans, après avoir échappé à un plan social, Karima songe à se reconvertir : « J’aime les nouveaux challenges ». Elle s’intéresse alors aux questions d’emploi et de formation. Après un passage à la Mairie de Paris comme coordinatrice emploi, Karima passe une licence de responsable de projet en insertion professionnelle, via les cours du soir du CNAM. Elle est embauchée, en 2012, dans une agence parisienne de Pôle emploi comme chargée de relation avec les entreprises. « Pour moi, l’émancipation n’est pas un vain mot », soutient-elle, en clin d’oeil à sa propre histoire et celle de sa famille.

Après Pôle emploi, l’interpro’

Si Karima adhère à la CFDT en 2006 – « syndicat le plus proche de [s]es valeurs » –, elle ne devient Déléguée du personnel (DP) qu’en 2015. « Ce sont mes collègues de Pôle emploi qui m’ont poussée à me mettre sur les listes, explique celle qui est désormais représentante syndicale CFDT au CSE. S’il est très formateur, le mandat de DP est selon moi l’un des plus difficile qui soit. En général, je suis plutôt ouverte et conciliante, mais je sais aussi être ferme quand il le faut », appuie-t-elle.

Dès son adhésion, Karima a noué des liens avec la CFDT Paris. Ses compétences vite reconnues, elle se voit mandatée au conseil d’administration de la mission locale de Paris en 2014. Puis au Conseil départemental de l’insertion par l’activité économique. « On y discute et vote notamment les attributions de budgets avec la préfecture. Je faisais partie de celles et ceux qui soutenaient la création de structures émergentes et leur donnaient la possibilité d’obtenir des financements », rappelle-t-elle. Pour la CFDT, Karima siège également au comité de liaison de Pôle emploi Paris, qui regroupe associations de chômeurs, organisations syndicales et direction. Depuis octobre 2020, elle est mandatée par la CFDT Île-de-France au Ceser (commissions Emploi et Agriculture). « Les débats sur les politiques publiques sont intéressants et bien menés, observe-t-elle. En matière d’emploi, que l’on réfléchisse aux dispositifs de recrutement ou de réinsertion, j’insiste souvent pour que les employeurs et les chômeurs soient davantage associés aux décisions qui les concernent ».

« La vie syndicale m’apporte chaque jour quelque chose, confie-t-elle en guise de conclusion. C’est pourquoi je souhaite à présent donner à la jeune génération l’envie de s’engager ».