[Interview] Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT

Quel est le fil conducteur de la résolution d’orientation générale ?

Pour construire cette résolution, nous nous sommes d’abord interrogés sur les transitions multiples qui impactent notre société, sur ce qui va se jouer d’essentiel dans les années à venir. Rapidement, une autre question a émergé : comment allons-nous y faire face ? En quoi ces transitions interrogent-elles la CFDT dans son fonctionnement ? Le premier pas vers l’action, c’est d’agir sur nous-mêmes. Transformer la CFDT, c’est lui donner la capacité d’être, elle-même, un opérateur des multiples évolutions de notre société. Nous avons constaté que, si nous étions plutôt bons en matière de travail syndical, nous devions maintenant faire un saut qualitatif en matière de fonctionnement interne. Comment nous inscrire dans un rapport de plus grande proximité avec les salariés ? Comment faire du développement syndical une priorité dont chaque structure s’empare en se fixant des objectifs ambitieux mais réalistes à son échelle ? C’est aussi dans ce but que nous avons proposé de lancer une réflexion sur l’évolution de la cotisation syndicale, qui doit être le reflet de la vision qu’on a du travail commun au sein de la CFDT. C’est pourquoi nous avons fait le choix de commencer cette résolution par l’interne, qui est tout sauf de l’intendance !

Le texte insiste sur le rôle des militantes et militants. Pourquoi ?

Nous sommes un syndicat d’adhérents, mais ce n’est pas une raison pour penser que le militantisme va de soi. Nous devons repenser le parcours et l’accompagnement des militants. Il nous faut aussi renouveler et élargir les voies d’accès au militantisme, dont les motivations et les pratiques évoluent. La porte d’entrée est de plus en plus « thématique » : agir pour l’écologie, contre les discriminations... Or nous ne sommes pas toujours identifiés comme des interlocuteurs pertinents sur ces sujets. Nous proposons donc d’expérimenter en développant des « collectifs thématiques » qui permettraient à des militants de s’engager pour une cause précise.

Quelle est la place de l’interpro-fessionnel et de l’action sur les territoires dans le texte ?

L’interpro a une place majeure dans l’action de la CFDT, en matière d’accompagnement des syndicats, de formation… Mais il y a deux domaines où ce rôle prend une importance particulière : le dialogue social territorial et l’action syndicale dans les TPE.

De nombreux droits sont à conquérir au niveau d’un territoire, donc au niveau interprofessionnel. On n’y pense pas assez ! Il faut s’emparer des solutions collectives partagées qui peuvent être proposées et dont les collectivités locales seules ne s’occuperont pas. La résolution met donc en avant le dialogue social territorial, domaine fondamental de l’interprofessionnel. Deuxième domaine, les unions territoriales TPE (UTTPE). Notre objectif est que chaque union régionale puisse créer au moins une UTTPE adaptée à la réalité des TPE dans son territoire. Les UTTPE permettront un rapprochement avec ces salariés privés de représentants. Elles obligeront aussi à repenser les rapports entre professionnel et interprofessionnel.

L’interprofessionnel a également un rôle fondamental à jouer dans l’organisation des services publics et dans la coordination des acteurs du public. Il faut développer l’accès aux services, et cet accès ne se limite pas à la proximité géographique.

Quelle est la feuille de route de la CFDT pour les années à venir ?

La mise en œuvre de la résolution demande bien quatre ans de travail intense pour atteindre les objectifs fixés ! Ce sont des chantiers complexes, mais ce qu’on pourra fabriquer est passionnant. Nous aurons à agir avec des interlocuteurs qu’on ne connaît pas encore, dans un contexte qui a peu de chances d’être facilitant. Nous veillerons, comme d’habitude, à ne pas nous laisser enfermer dans des carcans et des querelles dépassées.