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[Interview] Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT

Publié le 03/08/2023

À la tête de la CFDT depuis le 21 juin, Marylise Léon nous livre sa vision du développement syndical et des défis qui nous attendent dans le domaine.

Notre organisation a accueilli, depuis janvier, plus de 40 000 nouveaux adhérents. C’est beaucoup plus qu’à la même période en 2022. Quelle analyse fais-tu de cette progression ?

Pas loin de 50 000, même ! Cet afflux de nouveaux adhérents est exceptionnel. Il est la conséquence de la grande responsabilité dont nous avons fait preuve pendant toute la mobilisation contre la réforme des retraites. Mais il est surtout le reflet d’une nouvelle centralité retrouvée du syndicalisme. La CFDT, nous l’avons vu avec la composition des cortèges, a beaucoup porté la voix des travailleurs que l’on disait invisibles, ceux qui étaient en première et deuxième lignes lors de la pandémie : les salariés de la propreté, de la sécurité privée, de l’agroalimentaire, du commerce, les agents de la fonction publique hospitalière, du social… Et ce qui m’a également frappée, c’est la répartition géographique de ces mobilisations. Cela montre que
notre implantation territoriale est forte. Au cours de cette période plus de 2 500 sections ont été créées !


Une nouvelle vision du rôle du syndicalisme est-elle en train d’émerger ?

À notre demande, l’institut Kantar public a réalisé un sondage dont les résultats ont été présentés le 21 juin à l’occasion du passage de témoin entre Laurent et moi. La confiance des travailleurs dans les syndicats n’a jamais été aussi élevée : 59 % (+3 points en un an). Ils ont particulièrement confiance dans la CFDT pour défendre ou conquérir des droits (63 % et 61 %). Ils souhaitent également que nous soyons beaucoup plus associés aux décisions qui les concernent. Nous réussirons le pari du développement si nous répondons à leurs attentes. Au niveau national bien sûr. Je crois que nous engrangeons des points lorsque nous parvenons à des compromis sur des accords aussi importants que celui sur le partage de la valeur notamment pour les salariés des PME ou encore sur la transition écologique. Mais c’est aussi tout le travail effectué dans les entreprises ou les administrations sur le pouvoir d’achat ou les conditions de travail qui va payer à terme. À condition de valoriser ces résultats en allant au contact des
salariés et à la rencontre de celles et ceux qui croisent très rarement un syndicaliste. C’est l’esprit de l’opération « Réponses à emporter » que nous renouvelons à la rentrée.

Nous devons davantage travailler en réseau


Comment le développement syndical s’inscrit-il dans la stratégie générale de la CFDT ? Doit-on faire évoluer nos pratiques ?

Nous avons commencé ce travail au congrès de Lyon en réfléchissant à notre structuration pour mieux répondre à l’évolution du monde du travail. Les rendez-vous des syndicats organisés jusqu’à la fin de l’année vont nous permettre d’imaginer ensemble des solutions pour toucher des travailleurs que nous avons du mal à rejoindre. Je prends par exemple les quelque 15 000 adhésions qui ont été faites en ligne depuis janvier. Il nous faut absolument identifier qui elles concernent, quels types de statuts de travailleurs… pour maintenir la proximité avec eux. La CFDT doit pouvoir réunir sous une même bannière des profils très différents. Le numérique peut nous y aider. Il ne remplacera jamais le contact direct mais il peut
le faciliter.


Comment conçois-tu le rôle de l’interprofessionnel en la matière ?

On voit bien que les attentes des travailleurs dépassent les murs de l’entreprise ou de l’administration. Les questions de logement ou de déplacements, pour ne prendre que deux exemples, font partie des principales préoccupations des travailleurs. C’est souvent sur le territoire qu’elles peuvent être traitées. C’est vrai aussi de la transition écologique pour laquelle nous devons déployer nos efforts. Nous le faisons au travers de réseaux comme Au travail pour le climat. L’interprofessionnel y joue un rôle essentiel. Plus globalement, je crois que nous devons davantage travailler en réseau, moins en silos. Et pour atteindre cet objectif, l’interprofessionnel est un maillon essentiel.