Retour

Conseiller du salarié: l'indispensable mission

Publié le 03/11/2022 (mis à jour le 31/08/2023)

En Île-de-France, elles et ils sont 240. Pour les salariés des petites et très petites entreprises, les conseillers du salarié sont souvent le seul contact avec le monde syndical. Quel est leur rôle concret ? Comment s’organise la prise en charge des demandes ? Le point sur le sujet et témoignage de deux conseillers.

La CFDT Paris a mis à jour, cette année, son guide du conseiller du salarié qui précise le cadre juridique de l’intervention et les principaux éléments du mandat. 

 

Le cadre dans lequel s’exerce la mission des conseillers du salarié est défini par la loi et la liste publiée, dans chaque département, par un arrêté du préfet. Avant toute décision de licenciement, l’employeur a l’obligation de convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement au cours duquel ce dernier a la possibilité d’être accompagné et assisté par un conseiller dans les entreprises dépourvues d’institution représentative du personnel. Le conseiller du salarié peut aussi assister le salarié lors d'un entretien en vue d'une rupture conventionnelle.

Cet entretien n’a rien d’une formalité : « il doit être l’occasion d’éclaircir les faits, précise Patrick Labboz, secrétaire régional en charge du juridique. Le conseiller a une mission d’assistance et de conseil au cours de l’entretien. Il peut établir un compte-rendu à son issue. Mais il est aussi là pour préparer le salarié à cette étape souvent éprouvante et à décider, avec lui, de l’attitude à adopter ».

Une organisation bien rodée

Les 240 conseillers franciliens sont désignés pour trois ans, avec des calendriers différents dans chaque département. Les unions territoriales interprofessionnelles s’organisent pour répondre au mieux aux demandes, suivant leur réalité. « C’est parfois une course contre la montre, précise Vanessa Liska, assistante de la CFDT Val-de-Marne qui centralise les sollicitations. Les employeurs ont en effet un délai minimum de cinq jours ouvrables à compter du lendemain de la remise de la lettre entre la convocation et l’entretien qui ne peut donc avoir lieu qu’à partir du lendemain du 5e jour. « Lorsque les salariés nous contactent, poursuit Vanessa, nous vérifions d’abord qu’ils peuvent être accompagnés, car certains employeurs trouvent des courriers type sur Internet qui ne sont pas toujours adaptés. Pour celles et ceux qui n’en auraient pas le droit, nous sommes là aussi pour les rassurer ! Nous les incitons à se rapprocher de leur délégué, à ne rien signer à la va-vite et éventuellement à nous recontacter ! Ensuite nous recensons les infos essentielles et recherchons le conseiller qui pourra prendre en charge l’entretien ». Disponibilité, proximité géographique, secteur d’activité, type de litige, équilibre dans la charge de travail : tous ces critères sont examinés pour organiser la mise en relation.

1) La liste des conseillers est consultable à la Préfecture, à l'Inspection du Travail, dans les mairies et sur internet. 2) Le conseiller dispose d’une carte officielle pour justifier de sa fonction. 3) Il a droit à un crédit de 15 heures par mois, rémunérées par l’employeur et remboursées par l’État. Ce crédit n’est pas reportable d’un mois sur l’autre. 4) Il a aussi accès à la formation dans la limite de deux semaines par période de trois ans.

 

Former, informer et échanger

Pour préparer les conseillers à l’exercice de leur mandat, des sessions de formation sont prévues par l’IREFE, l’institut de formation de la CFDT en Île-de-France. Les unions territoriales interprofessionnelles les invitent aussi à l’ensemble de leurs rencontres juridiques, à des temps d’échange qui permettent de faciliter une prise en charge juridique globale de la part de l’ensemble des mandatés car la prise en charge peut se poursuivre lorsque le conflit s’installe.

 

Pratiques - Marie-Paule Toupart-300dpi

MARIE-PAULE TOUPART, CONSEILLÈRE DU SALARIÉ À PARIS

Comment as-tu été amenée à devenir conseillère du salarié ?

J’ai travaillé vingt-trois ans pour une grande fondation. Les cinq dernières années, j’étais déléguée syndicale CFDT. En 2009, j’ai négocié mon départ, à deux ans de la retraite, avec l’aide des juristes de la CFDT Paris. Ce soutien m’a donné l’énergie nécessaire pour négocier. Quand, en 2010, on m’a proposé ce mandat, j’ai tout de suite accepté. J’avais souvent eu à gérer des conflits, et je me sentais plutôt à l’aise dans ce rôle d’assistance et de médiation.

Qu’as-tu appris grâce à ce mandat ?

Dans le monde associatif, on rencontre souvent des dirigeants bénévoles qui ne se considèrent pas comme des employeurs et se pensent exonérés de leurs obligations… Plus globalement, dans les petites entreprises, les relations sont parfois très paternalistes, avec des situations d’abus de pouvoir. Les employeurs ont tendance à se servir du prétexte de la faute grave pour se dispenser de verser les indemnités légales. À l’approche de l’entretien préalable au licenciement, les salariés sont anxieux et souvent terrorisés. Un échange en amont avec le conseiller du salarié est donc fondamental. Il faut être à l’écoute, les aider à prendre du recul. En préalable, je pose systématiquement la question : « Que souhaitez-vous ? », car le(la) salarié(e) a rarement réfléchi aux conditions de son départ alors que l’employeur a déjà pris la décision de licencier. Le maintien dans l’entreprise étant très rare, il va donc falloir essayer de débattre sur les conditions de départ.

Et lors de l’entretien lui-même ?

Beaucoup d’employeurs démarrent l’entretien par un : « Je n’ai qu’un quart d’heure ! ». En montrant sa carte validée par le préfet de Paris, le conseiller du salarié rappelle que le débat contradictoire prendra le temps qu’il faudra. C’est un peu l’effet calmant de l’étoile du shérif ! En treize ans et plus de 350 interventions, j’ai vécu toutes sortes de situations, souvent pathétiques, parfois cocasses, des rencontres humaines intéressantes. Bref, une expérience passionnante !

 

 

IMG 2591-300dpi

MIGUEL GOMES, CONSEILLER DU SALARIÉ DANS LES YVELINES

Tu es conseiller du salarié, mais également responsable de ton syndicat. En quoi te semble-t-il intéressant de cumuler ces deux fonctions ?

Je suis chauffeur de bus, élu du personnel dans mon entreprise et secrétaire général adjoint de mon syndicat, le syndicat général des Transports centre francilien. Le mandat de conseiller du salarié me permet, moi qui travaille dans un grand groupe où tout est réglementé, d’avoir une vision du fonctionnement des petites entreprises. On constate que des directions ne maîtrisent pas du tout le dialogue social – et ne se renseignent pas – et engagent des procédures disproportionnées contre des salariés, des mises à pied par exemple. Avec le changement de barème d’indemnités de la Loi Macron, certains font aussi des calculs de risques…

Dans quel état d’esprit sont les salariés que tu accompagnes en entretien ?

La plupart du temps, ils sont totalement perdus et démunis. Ils sont donc rassurés par notre premier échange. Je leur explique comment l’entretien va se dérouler, comment se comporter et quels sont les risques. Le rendez-vous se fait sur le lieu de travail. C’est parfois cocasse : une arrière-cuisine, un atelier, la remise de la supérette. On doit parfois escalader les cartons… On voit l’envers du décor, à tous les niveaux. Après l’entretien, j’oriente le salarié, si nécessaire, vers l’union territoriale interprofessionnelle (UTI) et nos défenseurs juridiques.

Justement, quelles sont tes relations de travail avec l’UTI ?

Nous sommes régulièrement en contact pour le suivi des rendez-vous. Certains salariés adhèrent. Nous avons aussi créé un groupe WhatsApp avec les autres conseillers des Yvelines, pour organiser la prise en charge. Nous avons aussi des formations à l’Union régionale. Mais franchement, quinze heures de délégation par mois, c’est vraiment peu pour bien faire notre travail.