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Un nouveau mandat pour les conseillers prud'homaux

Publié le 07/08/2023

Le renouvellement des conseils de prud’hommes a eu lieu en janvier 2023. Celles et ceux qu’on appelle souvent les juges du travail ont été nommés par l’autorité publique pour une période réduite à trois ans au lieu de quatre – pour correspondre à la mesure d’audience des organisations syndicales prévue en 2025. Regard sur ce renouvellement et sur la manière dont la CFDT Île-de-France s’organise.

Rencontre des conseillers prud'homaux de Paris, le 8 juin, à la Bourse du travail

 

Juridictions uniques en Europe, les conseils de prud’hommes sont composés paritairement de salariés et d’employeurs nommés sur proposition de leurs organisations, en fonction de leur audience électorale. En Île-de- France, 405 militantes et militants ont ainsi prêté serment en début d’année au nom de la CFDT, dont plus de 60 % d’entre eux pour la première fois.
Le nombre de sièges détenus par la CFDT en Île-de-France poursuit sa progression, de l’ordre de 13 % par rapport à 2017, en lien avec sa première place d’organisation syndicale mais aussi du fait de l’augmentation du nombre de conseillers, notamment à Paris et à Bobigny.

Des référents départementaux au coeur du processus

Les réalités sont très différentes d’un conseil à un autre – 19 dans la région – en termes de nombre de conseillers, de volume de dossiers à traiter, mais aussi d’usages et de pratiques. Le réseau des conseillers est donc animé par des référents prud’homaux au niveau des départements, auxquels est revenu l’important travail de recherche de candidats. « Un appel à candidatures a été lancé dès juillet 2021 auprès des syndicats, précise Pascale
Morel, référente CFDT dans les Hauts-de-Seine. Et pour faciliter la détection des candidats, une session de deux jours de découverte du mandat prud’homal a été élaborée au niveau régional et dispensée sur les territoires aux militants intéressés pour leur permettre de connaître les particularités et exigences de ce mandat. » L’Union régionale, quant à elle, au travers de son institut de formation, l’IREFE, a conçu le parcours de formation des conseillers, qu’ils soient nouveaux ou anciens.

L’enjeu de la formation

« Le mandat est court, insiste Patrick Labboz, secrétaire régional en charge du juridique. Mais le législateur a décidé de maintenir les droits à la formation à 36 jours sur le mandat, alors que celui-ci est réduit à trois ans. Il faut donc les mettre à profit pour acquérir des connaissances solides. Il y va de la crédibilité de notre organisation, à un moment où la justice prud’homale est parfois remise en question. » L’IREFE a donc mis en place un
véritable parcours de formation. « Il s’agit, pour les nouveaux, insiste Pascal Quinton, consultant-formateur à l’IREFE, d’appréhender leur rôle, de se situer dans l’organisation judiciaire, et enfin de disposer des éléments pour comprendre la procédure. Nous proposons plusieurs formations pour le
premier niveau. Celles-ci sont complétées par des sessions plus pointues sur des thèmes précis ou pour des responsabilités particulières. » À ce parcours s’ajoutent deux journées sur l’actualité jurisprudentielle. Un partenariat avec le CNAM permet aussi à ceux qui le souhaitent de s’engager dans une formation certifiante.
Les nouveaux conseillers doivent également suivre une formation obligatoire de cinq jours à l’École nationale de la magistrature. De quoi leur permettre d’être à l’aise dans ce mandat majeur au service de la justice sociale.

 

Témoignages

Daly Desfray, référente départementale en Essonne

  pratiques-Daly

Tu es présidente de l’emblématique conseil de prud’hommes de Longjumeau – celui qui a sonné le glas du contrat nouvelle embauche du gouvernement de Villepin en 2006. Tu es aussi référente départementale. Comment envisages-tu ton rôle auprès des conseillers ?

Pour ce nouveau mandat, le renouvellement des conseillers a été de l’ordre de 60 % à Évry (120 conseillers) comme à Longjumeau (110 conseillers). Qu’ils soient nouvellement désignés ou anciens, je commence par leur parler de formation, de celle proposée par l’IREFE mais aussi de celle qu’ils auront à suivre, pour les nouveaux, à l’École nationale de la magistrature. Nous échangeons aussi beaucoup sur leur rôle, leur posture au sein de la juridiction.

Comment les accompagnes-tu ?

La première année est décisive. C’est sûr, l’investissement personnel est important. Nous avons conscience de rendre des décisions qui pourront avoir un impact sur la vie d’une personne. Il est indispensable d’acquérir de bonnes méthodes de travail pour se poser les bonnes questions. Savoir chercher dans le Code du travail mais aussi dans le Code civil, penser parfois au droit européen. Pour les aider, je les alerte sur les outils à leur disposition, la sortie de nouveaux textes, de nouvelles normes, notamment à partir des informations que je reçois de la cour d’appel. Mon rôle est aussi de trouver des solutions pour soutenir les conseillers quand ils rencontrent une difficulté.

Avez-vous des échanges sur l’évolution de la situation de l’emploi et des conflits du travail ?

Oui, nous observons tous depuis quelques années une augmentation des licenciements sans cause réelle et sérieuse, pour insuffisance professionnelle ou inaptitude, mais aussi des licenciements économiques déguisés en ruptures conventionnelles, ce qui prive les salariés de certaines possibilités de reclassement. Cela concerne notamment des salariés de plus de 50 ans, et en particulier des femmes.

 

Jean-Luc Canteux, conseiller prud'homal à Boulogne

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Tu viens d’être désigné. Pourquoi as-tu pris ce mandat ?

Il y a une dizaine d’années, alors que j’étais délégué syndical chez Canal Plus, j’ai participé à une formation de cinq jours à l’IREFE sur la protection juridique des salariés. Ça a été un véritable déclic pour moi. J’ai compris le poids et l’impact des outils juridiques quand on parvient à les maîtriser. La crédibilité qu’ils apportent aussi. Ils m’ont ensuite été très utiles, notamment quand, en 2019, mon entreprise a lancé un plan de départs volontaires. Notre section syndicale a été pas mal chamboulée après tous ces départs, et j’ai eu besoin de passer à autre chose. C’est à ce moment-là que j’ai reçu un courrier de mon syndicat à propos du renouvellement des conseillers prud’homaux.

Quelle préparation as-tu reçue ?

La formation est un véritable atout. Nous suivons un parcours complet de formation initiale à l’IREFE, complémentaire de notre formation obligatoire à l’École nationale de la magistrature. J’ai ensuite été formé sur le rôle du bureau de conciliation et d’orientation, les règles de recevabilité des preuves, le bureau de jugement, ou encore la rédaction des jugements. J’ai complété le tout en assistant à plusieurs bureaux de conciliation et de jugement en auditeur libre. Dans toutes ces étapes, nous sommes accompagnés par notre référente départementale et par le responsable CFDT de la section au conseil de prud’hommes.

Comment vis-tu tes premiers pas au conseil de Boulogne ?

Je suis technicien vidéo de métier. Je siège dans la section des activités diverses. Les saisines y sont nombreuses. Je pense que le mandat est lourd, mais qu’on a les moyens de l’exercer dans de bonnes conditions, en procédant étape par étape, en essayant de repérer ses faiblesses et en acceptant de se remettre en cause. Je pense quand même qu’il faut une bonne année pour être complètement à l’aise.