Thierry Jarlet (Mission locale de Paris) : "L'Île-de-France a été percutée plus fortement par la crise sociale"

Publié le 23/03/2021

Les missions locales sont en première ligne pour combattre le chômage des jeunes. Thierry Jarlet, directeur général de la mission locale de Paris, fait le point sur l’urgence de la situation et les leviers à sa disposition.

thierry jarlet

Quel est le rôle des missions locales ?

Les missions locales sont des structures associatives qui mettent en oeuvre les politiques publiques d’insertion socio-professionnelles des jeunes de 16 à 25 ans. Il en existe 450 en France. Notre rôle est d’apporter aux jeunes un accompagnement global sur l’accès à l’emploi, la formation, mais aussi plus largement, un accompagnement social, voire psychologique.

La mission locale de Paris, la plus importante en taille, rassemble 220 salariés et dispose de six lieux d’accueil sans rendez-vous ainsi que deux sites dédiés à la garantie jeunes. Elle s’appuie aussi sur un réseau de 160 bénévoles qui animent des activités ou parrainent les jeunes dans leur entreprise. Nos financements proviennent en premier lieu de l’État, puis de la Ville de Paris, de Pôle emploi, et, enfin, de la Région Île-de-France.

Sur le territoire, la mission locale sert de « traducteur » pour les jeunes dans le maquis des dispositifs existants.

Chaque année, sur les quelques 20 000 jeunes parisiens que nous accueillons, 10 000 sont nouveaux. La moitié n’a pas le baccalauréat. Si tous peuvent venir chercher de l’information, l’accompagnement est ensuite conditionné à un minimum d’engagements auprès d’un conseiller référent. Notre force, c’est d’abord notre connaissance des métiers. Les jeunes ont en général une vision assez restreinte du champ des possibles. Notre travail consiste donc d’abord à ouvrir leur imaginaire sur les métiers auxquels elles ou ils peuvent avoir accès. Sur le territoire, la mission locale sert aussi de « traducteur » pour les jeunes dans le maquis des dispositifs existants.

Dans 20 % des cas, les jeunes qui viennent nous voir sont logés de manière très précaire ; 5 % dorment même dehors

 

Quel impact a la crise actuelle sur les jeunes ?

Globalement, l’Île-de-France a été plus fortement percutée que d’autres régions par la crise sociale, et Paris plus encore que d’autres territoires franciliens du fait de la très forte baisse des emplois accessibles aux jeunes non qualifiés (commerce, tourisme…). Le taux de pauvreté à Paris est proche du taux moyen de la région Île-de-France et l’on ne compte pas moins de 20 quartiers prioritaires où les difficultés se cumulent, même si les opportunités d’emploi restent plus importantes qu’ailleurs. Dans 20 % des cas, les jeunes qui viennent nous voir sont logés de manière très précaire ; 5 % dorment même dehors. On constate aussi un mal-être social et une précarité économique croissants. Depuis mars 2020, 4 jeunes sur 10 déclarent ne prendre qu’un repas par jour.

L’année a été très chaotique, car les entreprises, qui luttent pour leur survie, n’ont plus du tout de stratégie d’accueil de jeunes. Beaucoup d’étudiants, qui vivaient de petits boulots, sont dans une situation précaire et le nombre de jeunes diplômés ou en première année qui abandonnent leurs études augmente. Pour répondre à la crise, il nous a fallu transformer nos outils et pratiques.

Si on double le nombre de bénéficiaire de la garantie jeunes, c’est 3 000 jeunes qu’il nous faudra accueillir dans le futur, contre 1 500 actuellement.

Le gouvernement veut doubler le nombre de bénéficiaires de la garantie jeunes d’ici 2022. Qu’en pensez-vous ?

Pour rappel, la garantie jeunes est un dispositif qui permet le versement d’une allocation de 500 euros par mois pendant une année, prolongeable. Elle donne accès à un accompagnement renforcé, notamment en collectif et peut, depuis janvier 2021, être complétée, pour les jeunes Franciliens qui s’engagent dans une formation éligible au programme du Conseil régional, par une indemnité supplémentaire de 300 euros. Si on double le nombre de bénéficiaire de la garantie jeunes, c’est 3 000 jeunes qu’il nous faudra accueillir dans le futur, contre 1 500 actuellement. Nous aurons donc besoin de moyens supplémentaires, y compris en termes de lieux d’accueil. Pour l’heure, le compte n’y est pas…

Un mot enfin sur le forum de l’emploi à Paris, que vous co-organisez avec la CFDT ?

Nous participons déjà à de nombreux salons et nous trouvons intéressant que la CFDT s’occupe aussi des jeunes qui ne sont pas en emploi. Je trouve que l’acteur syndical devrait même être plus présent pour construire des relations avec les entreprises. Notre participation à ces salons fonctionne d’autant mieux lorsqu’on peut repérer à l’avance les emplois disponibles et préparer la rencontre avec les recruteurs.

Pour aller plus loin : Emploi des jeunes, la note du Ceser qui sonne l'alerte