Transition écologique en Île-de-France: un dossier prioritaire
Fortement affectée par la pollution et le changement climatique, l’Île-de-France est confrontée à des défis importants en matière de transition écologique. Les dérèglements tels que vagues de chaleur, tempêtes et inondations, une mauvaise qualité de l’air ou l’exposition à des substances pathogènes, ont un impact direct sur la santé publique mais aussi sur les conditions de travail et les emplois.
Ils sont à la source d’inégalités sociales. Pour la CFDT, il est urgent d’agir. Dans la région, la CFDT Île-de-France est mobilisée pour proposer aux militants des outils pertinents et accompagner syndicats et équipes dans les négociations sur le sujet.
L’Île-de-France est une région à part en France et en Europe: très densément peuplée et industrialisée autour de la capitale, c’est aussi un vaste territoire agricole avec près de 80 % de sa surface recouverte d’espaces agricoles, forestiers et naturels. Elle est affectée par la pollution de l’air mais aussi de l’eau et par la pollution sonore.
Pollution atmosphérique et sonore
La qualité de l’air est particulièrement mauvaise en Île-de-France où la concentration de polluants dépasse les seuils recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (voir interview de la directrice d’Airparif p. 13). Les niveaux de dioxyde d’azote (NO₂) et de particules fines (PM10 et PM2,5) sont notamment élevés en raison du trafic routier intense et du chauffage au bois et au gaz. Selon la récente étude conjointe de l’Observatoire régional de la santé Île-de-France et de l’association Airparif, dont les conclusions ont été publiées en janvier 2025, cette pollution est responsable chaque année de plusieurs milliers de nouveaux cas de maladies chroniques (voir encadré p. 11) et de 7 900 décès prématurés.
La pollution sonore est elle aussi importante dans la région. Elle touche surtout les habitants des zones proches des axes routiers et des aéroports. Dans une cartographie récemment publiée conjointement par Airparif et Bruitparif, on découvre sans surprise que 80 % des Franciliens, soit 9 millions de personnes, sont concernés par une double exposition au bruit et à la pollution de l’air. Cette cartographie sera présentée à l’Union régionale le 16 mai.
Eau en danger, eau un danger ?
Est-il possible de se baigner dans la Seine ? La réponse à cette question, fréquemment posée lors des derniers Jeux olympiques, n’est pas évidente. En dépit de tous les efforts déployés pour obtenir une eau dépolluée dans les rivières et les cours d’eau de la région, ceux-ci demeurent exposés aux rejets industriels, aux eaux usées et aux polluants agricoles. D’où une deuxième question : peut-on raisonnablement boire l’eau du robinet en Île-de-France ? Si les stations d’épuration de la région ont longtemps été à la pointe de la technologie, leurs infrastructures nécessitent des investissements de maintenance et de rénovation qui ne sont pas toujours au rendez-vous (voir le témoignage ci-dessous d’Hervé Deroubaix).
Les cours d’eau, nombreux, constituent par ailleurs une menace en matière d’inondations. Selon l’étude « Inondation et évacuation : enquête sur les perceptions et comportements des Franciliens » menée par l’Institut Paris Région (mars 2024), «en Île-de-France, plus d’un million de résidents sont directement exposés au risque d’inondation par débordement de la Seine et de ses principaux affluents (Marne, Oise, Loing). En cas de crue majeure, les conséquences directes et indirectes sur les réseaux et infrastructures pourraient toucher jusqu’à cinq millions de personnes.»
Le changement climatique, vecteur d’inégalités
Pour ne rien arranger, le changement climatique fait subir aux habitants de la région des événements météorologiques extrêmes : inondations, canicules et une hausse de la température moyenne de 2 °C depuis 1950 d’après une étude de l’Institut Paris Région de novembre 2022.
Ces dérèglements ont des répercussions sur les écosystèmes et la biodiversité ainsi que sur les conditions de vie et de travail des habitants de la région.
Pour la CFDT Île-de-France, nul doute, «la crise climatique et ses conséquences sur l’habitabilité des territoires, les modèles économiques et sociaux, ainsi que sur les conditions de travail et les métiers, impose une réflexion urgente», souligne-t-on dans l’introduction au Manifeste pour la transition écologique juste. D’autant plus que la crise climatique est un vecteur d’inégalités sociales : les communes les plus défavorisées sont celles qui manquent le plus de moyens pour mettre en place des politiques publiques environnementales, les populations les plus démunies sont celles qui ne peuvent pas se permettre d’acheter bio, ce sont enfin les travailleurs de secteurs très exposés comme le BTP, qui subissent de manière directe et immédiate les conséquences de la hausse ou de la baisse des températures dans leur activité.
Une question de justice sociale
Si la CFDT est depuis longtemps engagée dans la cause environnementale, elle redouble d’efforts aujourd’hui. «La question de la transition écologique se pose à l’ensemble de l’humanité. Comment peut-on faire pour continuer à vivre sur la Terre ? En tant que syndicat, nous voulons apporter des éléments de réponse qui tiennent compte de l’emploi et des humains. Pour la CFDT, il n’y a pas de transition écologique sans justice sociale», a souligné Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, à l’occasion de l’Afterwork sur le sujet qui s’est tenu à Roissy-CDG en janvier dernier.
La CFDT, qui a pris une part active dès 2015 dans le cadre de la confédération syndicale internationale aux travaux de la COP21, a publié un Manifeste pour la transition économique juste (TEJ) en décembre 2023. Celui-ci comprend 13 propositions d’actions parmi lesquelles le renforcement du dialogue social et de la responsabilité des entreprises et administrations : «les travailleurs et les travailleuses ne sont pas égaux et égales face aux dérèglements écologiques ni face aux efforts à faire : il s’agit donc de protéger et d’accompagner les plus vulnérables […] Rendre les travailleurs et les travailleuses acteurs et même accélérateurs de ces changements, c’est minimiser les risques sur les activités économiques et les emplois, et maximiser le potentiel de ces transformations en termes de développement des emplois et des compétences», peut-on lire.
Cahier revendicatif
Dès 2021, la CFDT Île-de-France s’est approprié le sujet en construisant avec ses syndicats un cahier revendicatif pour une transition écologique juste, publié en 2024.
Le cahier regroupe 34 propositions autour de six grands thèmes interprofessionnels : les mobilités, les lieux et les espaces de travail, l’énergie, l’agriculture et l’alimentation, l’économie circulaire et l’épargne salariale. Parmi ces propositions, citons la négociation des mobilités douces, du télétravail ou encore l’installation d’énergies alternatives dans le cadre des accords d’entreprise, l’encouragement du commerce local et la lutte contre le gaspillage dans les politiques d’achat, la vigilance sur les conditions de travail et la santé des travailleurs dans les chantiers, le soutien à l’application de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur en entreprise… La CFDT Île-de-France déploie depuis octobre 2024 la deuxième étape de ce travail : faire connaître le cahier auprès des sections et mener des actions de terrain.
Sentinelles Vertes
Deuxième volet de l’action de la CFDT Île-de-France, la création d’un réseau de sentinelles vertes au niveau interprofessionnel. «Créées à l’initiative de la Fédération Communication, conseil et culture, les Sentinelles vertes regroupent des adhérents, pas forcément militants, qui agissent à la hauteur de leurs moyens, pour sensibiliser leurs collègues et employeurs sur la question écologique», souligne Olivier Clément.
Ce réseau pourra, au niveau de notre région, intervenir sur un bassin d’emploi – comme cela a été le cas en début d’année sur la plateforme de Roissy-CDG – organiser et animer des fresques du climat ou du pouvoir d’agir pour expliquer les mécanismes de négociation autour de la TEJ, venir en appui des sections… «Nous avons déjà un réseau de 170 volontaires que nous avons réunis pour la première fois en février. Nous devons à présent nous fixer des objectifs d’action pour sensibiliser les travailleurs à l’importance du sujet et -à l’urgence d’agir», conclut-il.
DES MALADIES CHRONIQUES ÉVITABLES
En ramenant la concentration de particules fines et de dioxyde de carbone aux seuils préconisés par l’OMS, en Île-de-France, il serait possible d’éviter :
- 6 900 cas d’asthme chez les enfants
- 1 750 cas d’infections aiguës des voies respiratoires inférieures chez les enfants
- 590 cancers du poumon
- 2 720 cas d’asthme chez les adultes
- 2 710 cas de bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO)
- 1 360 accidents vasculaires cérébraux
- 920 infarctus
- 16 590 cas d’hypertension artérielle
- 2 360 cas de diabète de type 2
Source : Airparif/Observatoire régional de la santé, 2025
TÉMOIGNAGES
Hervé Deroubaix, le secrétaire général du syndicat national des personnels de l’eau et de l’assainissement (SNPEA), explique pourquoi il est crucial d’aborder la question de l’eau… et de son prix.
“En France, on estime que la perte d’eau potable est de l’ordre de 22 %. Avec l’apparition des différentes sécheresses, cela devient un problème majeur. Or la plupart des collectivités se focalisent sur le prix de l’eau et privilégient les opérateurs les moins chers lors des appels d’offres. Ce n’est pas un bon calcul au vu des dépenses colossales qu’il va falloir faire pour entretenir les réseaux aussi bien eau qu’assainissement. De plus, ils ne sont pas toujours exemplaires concernant les conditions de travail de leurs salariés qui ne reçoivent pas toujours les formations obligatoires en matière de sécurité…
Par ailleurs, par le passé, un opérateur privé pouvait obtenir un contrat de gestion pour une durée de 30 ans. Cela permettait à la collectivité de faire des investissements. Aujourd’hui, la durée du contrat varie de cinq à huit ans. C’est trop peu pour amortir des travaux d’entretien importants.
Si l’eau n’a pas de prix, la sécurité et la qualité nécessitent des ressources financières et humaines pour que les services ne se transforment pas en entités low-cost. C’est pourquoi, le tarif de l’eau doit augmenter. Mais pour que la hausse soit supportable, elle doit s’accompagner de politiques de solidarité vis-à-vis des territoires et des ménages les moins favorisés. Un ménage français dépense en moyenne 0,8 % de son budget pour les services publics d’eau et d’assainissement. Quand on sait que le prix du m3 d’eau potable en France avoisine les 4,50 euros, assainissement compris, et qu’une d’une bouteille d’eau minérale rapportée au m3 peut atteindre 300 euros, on se dit qu’il y a de la marge. Le financement des services doit se renforcer pour pouvoir répondre aux enjeux sanitaires, climatiques et environnementaux.”
Lionel Althuser, délégué syndical chez Météo France, nous livre les détails de la politique RSE de son organisme.
“Notre PDG, Virginie Schwarz, est issue du ministère de la Transition écologique et a une véritable culture en matière de RSE. L’un des cinq chapitres du contrat d’objectifs entre Météo France et l’État est également entièrement consacré à la RSE. Cela a conduit à l’élaboration de plans RSE pluriannuels et à la création d’un réseau de correspondants écoresponsables, composé de 20 agents – un par service. Météo France veille par ailleurs de manière écoresponsable à son parc immobilier et sollicite des fonds auprès du ministère pour réaliser des travaux de rénovation énergétique de nos bâtiments.
Depuis 2022, la CFDT est la première organisation syndicale chez Météo France. Nous nous sommes demandé si nous allions entrer dans la gouvernance de ces projets, mais nous manquons de ressources. Nous avons jugé que la direction allait gérer même si, sur certains points, nous serions allés plus loin, notamment sur l’obligation d’utiliser le train ou sur l’installation de bornes de recharge électriques pour les véhicules.
Les salariés, en première ligne pour observer les impacts environnementaux du changement climatique, sont très réceptifs au sujet. Nous prenons toujours le train pour aller à Toulouse, notre deuxième station. Nos agents ont même écrit un guide sur l’utilisation responsable du numérique, qui nous a ensuite été distribué. Chez Météo France, nous avons une véritable culture de la prévention!”
Noura Ould Aklouche, élue au CSE de Thales et Sentinelle verte, revient sur les nouveaux droits obtenus chez Thales en matière d’environnement.
“J’anime la communauté environnement Thales Six GTS créée en 2023 à la suite du dernier accord CSE/PAP. Elle se réunit deux fois par an et échange avec la direction sur les bonnes pratiques. Nous essayons de faire passer certaines mesures sur les biodéchets, l’utilisation de gobelets en carton, d’emballages réutilisables… Nous avons un vrai droit d’expression concernant les écogestes. Moins en ce qui concerne la politique RSE de l’entreprise…
Mais nous avançons à petits pas. Sur les mobilités durables, par exemple, un accord signé dans le cadre des NAO il y a deux ans a mis en place pour un an le remboursement du passe Navigo à hauteur de 75 %. Nous avons réussi à pérenniser ce remboursement pour une plus longue période par la suite et assorti cette mesure d’un forfait mobilités durables de 200 euros pour les non-utilisateurs du passe Navigo qui se déplacent à vélo ou font du covoiturage.
Nous avons obtenu que notre prestataire de restauration affiche le carboscore des plats, de servir du bœuf uniquement deux fois par semaine et de faire don de notre marc de café… Nous pouvons travailler à distance sans demande préalable en cas de pics de pollution, d’intempéries, d’inondations…
Pour les élus, en plus des droits en matière de formation, nous avons obtenu une journée de formation spécifique sur l’environnement qui doit se dérouler dans les douze mois suivant la prise de mandat. Et force est de constater que nous sommes, pour la plupart, sensibilisés au sujet, ce qui était loin d’être le cas auparavant.”