Rendez-vous du handicap

  • Handicap

La rencontre annuelle sur le handicap s’est tenue le 5 décembre à la Bourse du travail de Bobigny. Près d’une centaine de militants et d’adhérents ont participé à cette journée d’échanges organisée par la CFDT Île-de-France, mêlant témoignages de terrain, analyses d’experts et ateliers immersifs pour mieux appréhender le quotidien des personnes en situation de handicap.

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«La loi vient de fêter ses vingt ans. À l’époque, on pensait qu’elle changerait durablement le regard de la société. Mais le Covid, puis la crise économique qui a suivi, ont constitué un véritable retour en arrière », a rappelé Hassan Mohamed, secrétaire régional, en ouverture. « Pour autant, il ne faut pas noircir le tableau. Malgré d’importantes coupes budgétaires actuellement discutées au Parlement, des avancées ont été réalisées dans certains domaines », a-t-il souligné.
La question du handicap est un axe central pour la CFDT Île-de-France, qui s’appuie, depuis de nombreuses années, sur un groupe ressources composé de militants issus de tous les secteurs. Ce collectif accompagne les élus, développe des formations syndicales et anime des permanences dédiées sur l’ensemble du territoire régional. Le rendez-vous annuel du handicap permet ainsi de dresser un bilan partagé, d’ouvrir des perspectives et d’identifier les leviers d’action.

Du vécu pour comprendre

La matinée a été marquée par les témoignages de militants engagés. Stéphanie Leconte (voir interview) et Sophie Habets ont notamment partagé leurs expériences. Cette dernière, confrontée à des difficultés dans son quotidien professionnel au ministère des Finances, a conçu un guide à destination des agents en situation de handicap, recensant textes de loi, outils et aides existants. « Les ressources existent, mais elles sont souvent dispersées. Ce travail a aussi permis de faire évoluer le regard de mes collègues », a-t-elle expliqué.
Éric de Châteauvieux, élu CFDT à la SNCF, a rappelé que la loi de 2005 a permis de mobiliser des moyens importants pour améliorer l’accessibilité des transports, condition indispensable à l’accès à l’emploi. La SNCF a ainsi investi 320 millions d’euros sur trois ans dans un schéma d’accessibilité combinant aménagements et formation des agents, concernant 232 gares en Île-de-France.

Des avancées, mais encore du chemin

Si la loi de 2005 a doté le FIPHFP et l’Agefiph de moyens significatifs, de nombreux défis subsistent. « Le taux d’emploi est d’environ 3,5 % en moyenne dans la fonction publique. Il reste beaucoup à faire, notamment en matière d’accessibilité numérique », a souligné Franck Lasade, directeur territorial Île-de-France du FIPHFP. 
Madina Ghendoussi, pour l’Agefiph, a rappelé un changement de paradigme majeur : « Depuis 2005, on a compris que c’est l’environnement qu’il faut adapter à la personne, et non l’inverse. Nos moyens ne sont pas illimités, mais notre offre de services est large et soutient le déploiement de politiques inclusives. » Les échanges avec la salle ont mis en lumière des difficultés persistantes : mobilisation des dispositifs, dialogue social insuffisant et manque de formation des managers. Des pistes concrètes ont été apportées par l’Aract et Cap emploi.

Rester mobilisés

Pour Xavier Guillauma, représentant la Confédération, le constat est clair : « Des avancées existent, mais le compte n’y est pas. Avec seulement 47 000 accords signés, nous devons rester à la fois moteurs et aiguillons des négociations, autour de trois priorités : l’insertion et le maintien dans l’emploi, le management de proximité et la lutte contre les discriminations. » Un enjeu d’autant plus crucial que le handicap demeure le premier motif de saisine du Défenseur des droits. Respect et dignité doivent rester au cœur des engagements syndicaux.

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Témoignages

Stéphanie Leconte, référente handicap à la caisse primaire d’assurance maladie du Val-de-Marne

Ton parcours professionnel a été marqué par l’annonce de ta maladie. Peux-tu nous expliquer ?

J’ai appris en 2009 que j’étais atteinte d’une maladie ankylosante et j’ai été déclarée inapte à mon poste. Cela a été un choc, mais j’ai dû me réinventer rapidement. La demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) est difficile à porter, mais j’en ai fait un moteur. Ma maladie est comme une colocataire dont on ne peut se séparer : il faut apprendre à vivre avec, anticiper et s’adapter en permanence.

Quelles actions concrètes as-tu ensuite menées ?

Mon poste a d’abord été aménagé, puis je suis devenue référente télétravail avant d’être nommée référente handicap en 2020. C’est un rôle qui me passionne. J’ai notamment mis en place une ressourcerie afin d’adapter le matériel de travail, ainsi qu’une handimédiathèque.
Par la suite, une mission de sensibilisation des managers aux aménagements de postes m’a été confiée, notamment dans une logique de prévention des troubles musculosquelettiques. J’interviens directement sur les postes de travail pour régler les assises, vérifier les postures et adapter si nécessaire pour prévenir l’apparition de troubles musculosquelettiques. Sur ces sujets, je collabore étroitement avec le médecin du travail.
J’organise prochainement des ateliers de sensibilisation au handicap à destination des 1 200 agents de ma caisse. Ces ateliers se dérouleront pendant les réunions de service et feront appel au volontariat pour leur animation.

Quel regard portes-tu sur la place du handicap dans le monde du travail ?

Nous aurons vraiment avancé lorsque le handicap ne sera plus considéré comme une contrainte, mais comme une richesse à intégrer. C’est un changement de regard essentiel pour construire des organisations plus inclusives.

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Daniel Sachs, délégué syndical chez Capgemini

Comment as-tu commencé à travailler sur les questions de handicap ?

Je suis représentant du personnel dans mon entreprise depuis 2011, membre du CHSCT et aujourd’hui  délégué syndical. J’étais déjà sensibilisé aux questions de handicap pour des raisons familiales. J’ai donc accepté de m’impliquer dans la commission handicap ainsi que dans la commission télétravail. J’étais également suppléant au sein de la commission de suivi de l’accord handicap. J’ai assez rapidement pris le relais de la titulaire, qui partait à la retraite.

Peux-tu nous parler de votre accord ?

L’accord prévoyait la mise en place d’un comité de pilotage national, dans lequel les décisions devaient être prises à la majorité. Ce fonctionnement nous a permis de faire adopter plusieurs propositions. Le comité national était décliné en commissions locales. Grâce à cet accord, l’entreprise a pu développer l’emploi des personnes en situation de handicap, qui avoisine aujourd’hui les 4,6 %. La communication sur le sujet est devenue de plus en plus visible, et certains directeurs d’unité ont même témoigné publiquement de leur propre situation de handicap. Capgemini a ainsi été pionnière dans la mise en œuvre de la norme handi-accueillante.

Quelles mesures concrètes ont été mises en place ?

Plusieurs dispositifs ont vu le jour : la création d’un chèque emploi service universel (Cesu) handicap pour les parents, enfants ou le conjoint en situation de handicap, des aides à la mobilité, ainsi que des jours d’absence pour soins permettant aux salariés de s’absenter sans perdre de congés. Cependant, l’accord arrive aujourd’hui à échéance et rien ne garantit à ce stade la reconduction de l’ensemble de ces mesures, ce qui en fait un enjeu majeur pour les élus CFDT.

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