Handicap : zoom sur la notion d’aménagement raisonnable

Publié le 03/03/2020

En partenariat avec l’Agefiph, la CFDT Île-de-France a tenu début décembre sa rencontre annuelle autour du thème du handicap en entreprise. L’occasion de faire le point avec les militantes et militants sur la situation de l’emploi des personnes en situation de handicap et de jeter un éclairage sur quelques notions juridiques fondamentales.

Pour la première fois, la rencontre s’est tenue à la fédération française handisport.

Fin 2018, quelque 515 000 personnes en situation de handicap – dont la moitié de plus de 50 ans – étaient au chômage en France. Soit 18 % des personnes handicapées contre seulement près de 9 % pour l’ensemble des actifs. Un chiffre impressionnant qui de surcroît augmente (+0,4 % en un an), alors qu’il a plutôt tendance à baisser pour les autres catégories de la population…« Malgré le gros travail de Cap Emploi, qui a trouvé un emploi à près de 85 000 personnes handicapées en 2018, on compte encore a minima 100 000 personnes qui perdent chaque année leur emploi du fait de problèmes de santé. Qu’il s’agisse d’inaptitude, d’invalidité… », expose Jean-Pierre Paray, sociologue au sein du cabinet ALJP, spécialisé dans la prévention de la désinsertion professionnelle. Une situation qui a valu à la France d’être épinglée par la Cour européenne des droits de l’homme.

Aménagement raisonnable : une notion peu connue
Depuis une trentaine d’années, les lois se sont pourtant succédé. En 1987, la loi instaure une obligation d’emploi de travailleurs handicapés (OETH) – les fameux 6% – dans les effectifs des entreprises de plus de 20 salariés. Une obligation qui s’est élargie en 2005 aux administrations. « Et depuis 2018, les entreprises et administrations de moins de 20 salariés sont aussi tenues de déclarer le nombre de travailleurs handicapés dans leur effectif, même si elles ne sont pas concernées par l’obligation contributive », rappelle Alexandre Salvatori, chargé d’études et de développement à l’Agefiph, venu présenter la dernière réforme.

Depuis 2005, toutes les entreprises sont également tenues à une obligation d’aménagement d’emploi raisonnable à l’égard des travailleurs handicapés. L’objectif est de permettre à ces travailleurs d’accéder à un emploi, de l’exercer, d’y progresser ou bien de bénéficier d’une formation adaptée à leurs besoins. « La notion est encore mal connue, reconnaît Fabienne Jegu, conseillère handicap auprès du Défenseur des droits, institution qui a édité un guide en 2017 sur le sujet. Quand on entend ‘raisonnable’, on a tendance à se dire que ce n’est pas contraignant. Et pourtant : cette obligation s’impose à tous les employeurs, du privé comme du public, quel que soit l’effectif de l’entreprise. Le refus de l’employeur de prendre les mesures appropriées est constitutif d’une discrimination ; sauf s’il démontre qu’elles constituent pour lui une charge disproportionnée », souligne-t-elle.

« Mesures appropriées » et « charges disproportionnées »
Le diable se cachant dans les détails, il convient d’expliciter ici ce qu’on entend par « mesures appropriées ». Comme le rappelle le guide du Défenseur des droits, « il s’agit de mesures efficaces et pratiques destinées à aménager les modalités de recrutement ou d’emploi d’un travailleur handicapé, au cas par cas en fonction des besoins. » Ne se limitant pas aux seuls aménagements ergonomiques du poste de travail, elles peuvent également concerner les locaux, les horaires et l’organisation du travail, le véhicule de fonction, la mise en place d’un tuteur, etc. Si ces mesures représentent pour l’employeur une « charge disproportionnée », il lui revient de le démontrer. « Le fait que l’employeur ne bénéficie pas d’un financement intégral du coût de l’aménagement ne suffit pas à caractériser la charge disproportionnée dès lors que l’entreprise peut faire face à ces coûts sur ses fonds propres », précise Fabienne Jegu, jurisprudence à l’appui.

Dévoilé à l’occasion de cette rencontre, le nouveau guide Agir pour les personnes handicapées propose un éclairage sur la loi et son champ d’application, la négociation d’un accord handicap ou les structures d’aide. Réalisé par le groupe ressources handicap de la CFDT Île-de-France, ce guide est « une véritable mine d’informations à destination des militantes et militants souhaitant s’investir sur le sujet », selon Nadia Bosc, secrétaire régionale en charge du dossier.