Agir pour la protection sociale en Île-de-France

  • Protection sociale et santé

Le modèle français de Sécurité sociale fête ses 80 ans. Un anniversaire source de questionnement : ce système solidaire, pilier de notre pacte social, saura-t-il encore longtemps résister aux vents contraires ? Alors que certains dénoncent son prétendu « coût exorbitant », la CFDT, elle, rappelle l’essentiel : la protection sociale n’est pas une charge, c’est un choix de société. Sa gouvernance paritaire, déclinée dans chaque région, est l’un de ses piliers fondamentaux.

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Action de la section CFDT de la CPAM 75, le 25 septembre.

 

Basée sur la solidarité nationale, intergénérationnelle et inter­profes­sionnelle, la Sécurité ­sociale est, pour la CFDT, une valeur fondatrice — politique, sociale et humaine. En France, ce modèle fonde son ancrage démocratique sur une gouvernance paritaire, partagée entre les orga­nisations syndicales d’employés et d’employeurs, ce qui garantit une voix au chapitre aux acteurs de terrain. En Île-de-France, où la densité et la diversité de la population rendent l’accès aux prestations particulièrement vital, cette gouvernance faite de dialogue, est d’autant plus importante que les réalités territoriales sont hétérogènes. C’est là, au cœur du système, que les mandatés dans les conseils d’administration font vivre les princi­pes de solidarité, d’univer­salité et de participation.

Un pilier de notre modèle social

Pour la CFDT, la protection sociale n’est pas un concept abstrait : c’est une promesse de dignité. Couvrir chaque citoyen contre les risques de la vie – maladie, accident, vieilles­se – selon le principe fondateur « chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins », demeure une conquête révolutionnaire. 
Mais ce modèle est aujourd’hui fragilisé. Dans une société où l’individualisme progresse, le débat se tend autour de questions budgétaires : qui doit payer, combien et jusqu’où ? Le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), actuellement en débat au Parlement, cristallise ces tensions. 
La CFDT ne s’y trompe d’ailleurs pas : « Le texte présenté par le gouvernement reste une loi de sous-financement, faite de coups de rabot sur les prestations », dénonce-t-elle dans un communiqué le 23 octobre.

Pour une Sécurité sociale solide et soutenable

Dans son manifeste « La protection sociale que nous voulons » publié en juillet, la CFDT remet les pendules à l’heure : « Notre modèle de protection sociale est soutenable sur le long terme. » La CFDT avance des pistes concrètes pour le renforcer : favoriser l’emploi des seniors, mais dans des emplois de qualité, conditionner les exonérations de cotisations à leur efficacité réelle sur l’emploi, élargir les sources de financement au-delà des seuls revenus d’activité.
Car pour la CFDT, une bonne Sécurité sociale, accessible, équitable et bien gouvernée, renforce la confiance dans la République. À l’inverse, une Sécurité sociale au rabais alimente la défiance et le succès des partis d’extrême droite. « C’est quand la solidarité recule que le populisme prospère », rappelle le manifeste.

L’Île-de-France, un laboratoire social

Dans la région, la protection sociale prend un sens très concret. Avec plus de 4 millions de bénéficiaires, chaque décision sociale a un impact majeur. Les défis sont nombreux : accès aux soins pour les plus précaires, accompagnement des familles mono­parentales, prévention des risques professionnels dans un tissu économique dense. « Les besoins augmentent avec le vieillissement, la précarité et l’évolution des parcours de vie », souligne Aurélie Lagaville, secrétaire générale adjointe de la CFDT Île-de-France, en charge de la protection sociale.
À l’approche du renouvellement des mandats dans les caisses (CPAM, CAF, Cramif, Urssaf, Ugecam) prévu pour le premier trimestre 2026, le rapport de forces se construit dès aujourd’hui. « Nos administrateurs doivent continuer à défendre une vision ambitieuse de la protection sociale : un investissement pour l’avenir, pas un coût à réduire », poursuit Aurélie Lagaville.

Des mandats essentiels pour peser sur le réel

Être représenté dans les conseils d’administration, ce n’est pas symbolique : c’est agir. Ces instances décident des budgets, des priorités sociales, des politiques locales d’accès aux droits. Prenons un exemple : la CAF des Yvelines. « Son budget total est de 1,4 milliard d’euros, dont 179 millions pour la commission d’action sociale. La ré­partition de ces crédits – petite enfance, parentalité, centres sociaux… – est décidée par les administrateurs. C’est un vrai pouvoir d’agir », explique Sophie Barrois, présidente CFDT de la CAF des Yvelines.
Les mandatés de la CFDT ont à leur actif des actions particulièrement significatives (voir interview de Christophe Vincent Titeca et de Fabrice Dorin). « Il est crucial de connaître son territoire pour adapter la politique aux besoins, avec un maillage fin. Dans les Yvelines, de grandes inégalités existent pour l’accueil de la petite enfance, par exemple. Les contrats territoriaux que nous passons avec les collectivités pour subvenir aux besoins sont essentiels pour leur action. Dans bien des cas, nous sommes les premiers financeurs », rappelle Sophie Barrois.
Les mandatés agissent aussi en lien étroit avec les sections syndicales. Les intérêts des salariés et des usagers peuvent paraître très différents mais souvent, ils convergent. Christophe Vincent Titeca, président CFDT de la CPAM de Paris, explique : « dans le code de la Sécurité sociale, seul le directeur général a des prérogatives sur le personnel. Mais si on nous dit « on lance un plan de licenciement », cela va avoir une répercussion directe sur les allocataires, par exemple. Le chef de file CFDT est en relation avec la section, et nous avons des sujets communs comme, en ce moment, le maintien de l’activité de notre centre de santé de Réaumur. »

Des élus au cœur du dialogue social

Le rôle des mandatés CFDT, c’est aussi d’être des passeurs entre les directions, les salariés et les usagers. « Le lien avec le syndicat francilien des agents de la Sécurité sociale, mais aussi les unions départementales, est essentiel pour porter une parole cohérente », précise Aurélie Lagaville.
En parallèle, avec Badiaa Souidi, secrétaire générale de la CFDT Île-de-France, Aurélie a reçu mandat pour négocier les responsabilités, notamment les présidences et vice présidences des caisses pour la prochaine mandature (2026-2030). « Nous voulons peser davantage dans la gouvernance pour défendre nos valeurs et obtenir de nouvelles présidences CFDT », insiste Badiaa Souidi.
La protection sociale, c’est le cœur battant du pacte social français. Et la CFDT entend le faire battre fort, en Île-de-France comme ailleurs. Avoir des mandats et des responsabilités dans les conseils d’administration, ce n’est pas défendre une place : c’est défendre une idée. Celle d’une société qui protège, qui redistribue, qui fait confiance. Parce qu’au fond, la question n’est pas de savoir combien coûte la solidarité, mais combien nous coûterait son absence.

LES CHIFFRES-CLÉS DE LA PROTECTION SOCIALE EN ÎLE-DE-FRANCE

  • 12,4 millions d’habitants (19 % de la population française)
  • 4 millions d’assurés sociaux
  • 30 000 salariés de la protection sociale en Île-de-France
Vincent Titeca, Président du conseil de  la CPAM de Paris

Témoignage

Christophe Vincent Titeca, Président du conseil de la CPAM de Paris depuis 2022, revient sur son rôle, les actions menées pour les assurés et l’importance du mandat CFDT dans la gestion de la caisse.

Le conseil porte un regard global sur la caisse et vote les grandes orientations, en veillant à ce que les décisions prises répondent aux besoins réels des assurés. Son pouvoir a pu être réduit au fil des années, mais il dispose encore de marges de manœuvre importantes pour agir concrètement.
À la CPAM de Paris, je suis particulièrement attentif aux assurés les plus fragiles. Notre caisse s’est aussi assurée du maintien des droits des personnes étrangères jusqu’à six mois après la fin de leur séjour, comme le prévoit le Code de la Sécurité sociale.
Je participe à de nombreuses actions de terrain, dites « d’aller vers» , menées dans les foyers de travailleurs migrants ou sur les forums étudiants au moment de la rentrée. Ces interventions permettent à la fois de sensibiliser au dépistage, d’accompagner les publics dans l’ouverture ou la mise à jour de leurs droits et de renforcer le lien entre la CPAM et les usagers.
Les valeurs de la CFDT se traduisent également dans la participation aux différentes commissions paritaires de la caisse : recours amiable, aides financières ou encore lutte contre la fraude. Quelques résultats : 1 267 réclamations d’assurés ont été traitées en 2024, 933 aides ont été accordées notamment pour des implants et 1,17 million d’euros de pénalités pour fraude (pharmaciens notamment) ont été votées. Ces instances, où les mandatés CFDT défendent une approche à la fois juste et responsable, permettent de régler de nombreuses situations concrètes et de garantir l’équité entre assurés.
Notre engagement contribue enfin à déconstruire l’idée selon laquelle la CPAM serait une institution technocratique. Nous apportons l’expertise du terrain et défendons un principe essentiel pour la CFDT : la gestion démocratique d’un bien commun.”

ENTRETIENS

Alors qu’il achève son deuxième mandat à la présidence de la CAF des Hauts-de-Seine, Fabrice Dorin revient sur son action.

Quel est le rôle d’un président de caisse ?

Le conseil d’administration est le versant politique de l’organisme. Nous représentons les allocataires et veillons à ce que le service qui leur est rendu soit de bonne qualité. Nous votons les budgets, nous rendons des avis, nous déclinons au niveau local la politique familiale portée par la convention d’objectifs et de gestion. En commission d’action sociale, nous délivrons les agréments des centres sociaux, par exemple, nous attribuons des subventions d’investissement pour construire des structures, nous finançons le fonctionnement des crèches ou des centres de loisirs et nous veillons à ce qu’ils respectent certaines valeurs, comme la laïcité.
Dans notre budget d’action sociale (environ 300 millions d’euros) nous disposons de fonds locaux qui nous permettent de construire des dispositifs adaptés aux réalités de notre territoire. Le dernier projet en date, que j’aimerais boucler avant la fin de la mandature, concerne la jeunesse. Il s’agit d’un dispositif de soutien au parcours du Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa). L’objectif est de concevoir un dispositif global qui inclurait le financement des sessions théoriques, articulées avec un stage pratique chez nos partenaires qui ont besoin d’animateurs et une promesse d’embauche en cas de réussite. Ce projet répond à un double enjeu : accompagner les jeunes dans un processus de formation valorisant et d’implication citoyenne tout en luttant contre la pénurie d’animateurs dans le département.

Pourquoi est-il important pour la CFDT d’occuper ce type de mandat ?

Être président de CAF, c’est être en contact direct avec un large réseau d’acteurs politiques et institutionnels. C’est une position stratégique pour porter des idées, faire entendre nos valeurs et relayer les axes revendicatifs de la CFDT. Ces mandats nous permettent d’agir là où se déclinent les politiques familiales et sociales et leurs arbitrages budgétaires.

Comment as-tu articulé ton action avec la section CFDT de la CAF des Hauts-de-Seine ?

Les salariés sont représentés au sein du conseil d’administration. La CFDT est largement majoritaire dans notre CAF, cela facilite un dialogue permanent. Avec les représentants CFDT, nous partageons des informations précieuses sur le fonctionnement interne et les orientations de la caisse. Cette coopération est essentielle : nous avons tous intérêt à ce que l’organisme fonctionne bien. La gestion RH de l’organisme ne fait pas partie des prérogatives du CA. Mais les conditions de travail des agents ont un impact direct sur la qualité du service rendu aux allocataires.

 

Nadia Berghout, secrétaire générale du syndicat francilien des agents de la Sécurité sociale, témoigne de la situation des salariés et de l’articulation avec les mandatés dans les caisses.

Quelle est la situation actuelle à la Sécurité sociale en Île-de-France ?

Depuis une quinzaine d’années, les effectifs baissent régulièrement, principalement à cause des départs en retraite non remplacés. L’État a cru que la numérisation permettrait d’importants gains de productivité et a supprimé trop de postes. De plus, les dossiers sont de plus en plus complexes et nécessitent toujours une expertise humaine. L’externalisation des services informatiques a aggravé la perte de compétences. Les logiciels ne sont plus au niveau, entraînant retards de traitement et surcharge de travail pour les agents qui multiplient les heures supplémentaires, parfois imposées. La fatigue se fait sentir et les absences de courte durée augmentent partout. N’oublions pas que les salaires sont faibles : avant la signature de la nouvelle grille, certains salaires étaient encore sous le Smic.

Quelles conséquences pour les usagers ?

Les difficultés internes ont des effets directs sur le service rendu. Les retards de paiement se multiplient, mettant parfois des familles en difficulté. Les mobilisations nationales et locales n’ont, pour l’instant, pas permis d’obtenir de véritables avancées.
La volonté de l’État reste de faire des économies. Le nouveau projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne va pas dans le bon sens : on regarde les dépenses, jamais les recettes.

Comment s’articule le dialogue avec les mandatés dans les conseils d’administration ?

Dans ce contexte tendu, le lien entre les salariés et les administrateurs est crucial. Les administrateurs ne connaissent pas toujours les conditions de travail des agents. D’où l’importance du dialogue avec les mandatés CFDT dans les conseils d’administration et notre participation aux réunions régionales.
Les échanges sont réguliers et constructifs. Les administrateurs défendent les usagers, nos militants défendent les salariés, mais les intérêts convergent souvent. Les agents, proches du terrain, sont les premiers à alerter sur les difficultés rencontrées par les assurés. Ce dialogue constant prouve la cohérence et la vitalité de notre organisation. C’est notre force.

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